En confirmant dans son premier message télévisé, sa volonté de retirer les troupes américaines d'Irak et de fermer le sinistre camp de Guantanamo, le président-élu Barack Obama envoie à ses concitoyens et au monde un signal fort. Celui d'un retour des États-unis des abysses dans lesquelles les a plongés la longue et désastreuse présidence de George W. Bush.
Ces deux initiatives majeures du nouveau président ne devrait être qu'un début. Car ce retour des Etats-unis, on s'en doute, ne sera complètement opéré qu'au bout d'un long processus long et difficile, quasiment de l'ordre d'un aggiornamento, tellement profondément Bush a engagé son pays dans des impasses rétrogrades.
En fait, l'entreprise qu'ambitionne de mener Barack Obama rappelle l'élan de rédemption qui porta Jimmy Carter au pouvoir et enclencha le mouvement de la réorientation à laquelle aspirait l'Amérique après les turpitudes de l'ère Richard Nixon et la parenthèse Gerald Ford.
Celles-ci palissent quand on les compare avec les errements criminels, l'arrogance et l'aveuglement des politiques menées par Bush, avec une obstination et un aveuglement édifiants quant aux capacités et aux limites des régimes démocratiques, aux Etats-unis ou ailleurs.
Les démocraties sont faillibles. Elles doivent souvent constater l'incompétence des dirigeants qu'elles ont élus et, en même temps, leur propre impuissance à se débarrasser d'eux sans attendre la fin lointaine de leurs mandats voués à la catastrophe.
C'est bien pourquoi l'Amérique, après avoir rongé son frein sous le président présumé le plus impopulaire de son histoire, a voulu prendre un tournant, en se réconciliant avec elle-même et avec le monde grâce à une rupture avec les politiques de George W. Bush.
Des politiques universellement décriées. Décriées pour leur manichéisme réducteur, leur cynisme mensonger, leur arrogance, leur logique de ligne Maginot idéologique (avec moi ou contre moi, choisissez). De telles tares n'ont pas seulement conduit à l'invasion de l'Irak, et rendu possible le traitement infâme des prisonniers et des suspects de la galaxie martienne islamiste. Elles ont prouvé par ailleurs des réflexes réactionnaires, dommageables à la défense des libertés et au respect des principes fondateurs de l'Amérique.
Elles ont encore inspiré des crispations rétrogrades et des obscurantismes dans tous les forums où la planète a débattu de la défense de ses ressources, de son environnement, des devoirs qu'impose une interdépendance accrue par la mondialisation.
De sorte que l'Amérique s'est retrouvée dans la position paradoxale de la superpuissance en porte à faux avec l'idéal démocratique et avec la modernité. C'est à dire, par exemple dans le domaine de l'environnement, avec les avancées de la science écologique. C'est à dire, en matière économique et financière, avec la nécessité de socialiser les effets du capitalisme sauvage. C'est à dire, dans la sphère politique, avec les principes du libéralisme et de la démocratie.
Pas seulement faillibles, les démocraties ne sont pas toujours sans lâcheté. Le cas George W. Bush est on ne peut plus révélateur à cet égard.
Voilà un chef d'Etat qui a envahi un pays étranger, mené une guerre contre laquelle le monde entier l'a prévenu, fait mourir des centaines de milliers de gens, soldats, civils et innocents, mis en détresse et humilié toute une région du monde, sur la simple base d'un mensonge (en invoquant la détention, non avérée, par l'Irak, d'armes de destruction massive).
Voilà donc un tel président obligé de reconnaître la fausseté des prémisses de sa guerre, mais qui n'en tire aucune conséquence, ni pour lui-même, ni pour son pays. En face de lui, la communauté internationale a pris acte et s'est tue. Elle n'en a tiré aucune conséquence, mais a passé par pertes et profits les morts, les destructions, les humiliations, les violations de droits, le viol des principes.
La morale est sauve ! Grâce aux petits dictateurs de faible Etats, traduits sans états d'âme ni hésitation devant des tribunaux internationaux.
Mais George W. Bush, qui entreprendra de lui faire rendre des comptes ? On comprend aisément qu'en la matière l'on ne puisse nullement compter sur le gouvernement américain. Le silence des organisations des droits de l'homme et des organisations de la société civile, si nombreux à travers la planète, si vocaux en de moins redoutables occasions, n'en est que plus remarquable.
Et pourtant, il faudra bien que le dossier George W. Bush soit ouvert, un jour ou l'autre. Car les temps sont révolus où la puissance et la force avaient le pouvoir de s'asseoir définitivement sur le droit et la justice. Tôt ou tard, des voix vont monter qui finiront par créer une clameur telle que l'on fera droit à leur irréductible exigence.
Ibrahima GAYE
Le Temoin n° 928 du 19 au 25 novembre 2008