L'épreuve de la passation de services
Le gouvernement du tout nouveau Premier ministre, Mr Youssouf Saleh Abbas, a été rendu public et s’installe progressivement. Les ministres « arrivistes » s’activent avec joie et punch, faisant des va-et-vient interminables dans les couloirs et les bureaux, tandis que les ministres « remerciés » font leurs cartons et emportent leurs effets personnels, certains jouent le fair-play alors que d’autres ne savent quel visage montrer.
La passation de services est une épreuve difficilement appréciable. Si certains l’acceptent dans sa forme républicaine afin que la continuité du service public soit assuré et renforcé, d’autres en revanche la vivent presque avec amertume. Pour ces derniers, le changement est perçu comme une sanction voire une humiliation. Surtout quand les objectifs n’ont pas été atteints et que leur passage au sein dudit ministère n’a pas été convivial, c’est souvent avec soulagement que leurs collaborateurs accueillent leur évincement.
Cependant, à l’inverse, on assiste à des discours de remerciements teintés d’émotions et même de regrets lorsque le pensionnaire sortant a été compétent et a bien managé son équipe. Malheureusement, dans cette équipe sortante de l’ex-Premier ministre, le Dr. Kassiré, je ne saurais m’aventuré pour désigner un ministre qui aurait marqué positivement son département. Quant aux médiocres, ils brillent de mille feux.
Le gouvernement actuel n’enfreint pas la règle de la médiocrité instaurée depuis plusieurs années au Tchad et qui est en fait à l’image d’Idriss Deby Itno. Quelques observations s’imposent pour ce gouvernement :
Le Général Kamougué à la défense, exit Allami, Abbas Tolli et Moussa Doumgor
Ce fut incontestablement la surprise de ce gouvernement. Personne ne s’attendait que le Général Mahamat Ali Abdallah soit si rapidement rangé au placard de l’élevage et remplacé par un homme vieux, fatigué, malade et qui a depuis belle lurette rangé son treillis militaire pour les costumes civils. Kamougué qui, il y a quelques mois encore, dénonçait l’accord de coopération militaire de 1976 souvent brandi par la France pour intervenir militairement au Tchad, se trouve devant la réalité des choses. Comment va t-il s'y prendre ? Ne rêvons pas, l'homme s'est mis au service de Deby malgré l'opposition de la CPDC. Il fera pire que les autres.
Tout le monde prévoyait la confirmation du Général Mahamat Ali Abdallah au ministère de la défense. Lui le victorieux de la bataille de N’djaména, lui qui a même régné pendant au moins 5 jours et qui s’est même présenté à la télé-Tchad pour s’adresser à la nation, le temps que Deby se rassure et veuille bien sortir de son bunker et encore lui qui, dit-on, aurait finalement obtenu l’engagement des rebelles MJE du Darfour qui avaient un temps tourné le dos à Deby.
On se demande quel poste assure encore le Général Abdallah au sein de l’état major militaire ? A N’djaména, on rappelle le passage de ce dernier à l’Ambassade du Tchad à Paris, la mobilisation massive de son clan dans l’armée après le départ des Koty et maintenant ses accointances avec les rebelles du Darfour (MJE, MLS). Deby n’aurait jamais eu totale confiance en cet homme et ce malgré les actes réels de loyauté posés par ce dernier. Les prochaines opérations militaires nous édifieront peut-être.
Adoum Abbas Tolli, l’ex-ministre des finances, a rempli pleinement son rôle. En parfaite complicité avec certains barons du gouvernement et d’autres du clan Deby, Abbas Tolli a perverti dans tous les sens son ministère. Aujourd’hui multimilliardaire, Abbas Tolli est le neveu préféré de Deby, le complice d’Adoum Younousmi et le chouchou de Hinda. Cette dernière ne tarit d’éloge sur son « fils » et pense qu’il devrait maintenant assumer d’autres responsabilités plus importantes. D’après des sources sûres, Abbas Tolli serait bientôt nommé à la direction générale de la BEAC-Tchad en lieu et place d’Idriss Ahmed Idriss qui n’est autre que le frère de Wazouna, l’épouse préférée de Deby avant l’arrivée de Hinda. Si cette nomination se confirme, il serait difficile de ne pas voir la main de cette dernière. Une histoire de femme au sommet de l'Etat, wait and see.
Ahmed Allami et Ourmadji Moussa Doumgar, malgré qu’ils ont défendu bec et ongle le régime criminel et impopulaire du MPS, ont été finalement remerciés et remplacés respectivement par Moussa Faki et Mahamat Hissein, deux ténors du régime. Pour l’ex-ministre des affaires étrangères, on évoque des petits problèmes de santé, il serait pressenti une nouvelle fois à l’ambassade du Tchad à Paris. Quant Moussa Doumgor, aucune explication sérieuse, on évoque sa débandade à Kousseri lors de l’attaque de N’djaména.
Jean Bawoyeu Alingué et l’affaire Ibni Oumar Mahamat Saleh.
L’entrée de Mr. Alingué dans le gouvernement en tant que ministre de la Justice n’est pas une surprise, c’était même attendu. Tout le monde se rappelle comment ce dernier s’opposait à Yorongar et ménageait Ibni Oumar et Salibou Garba lors des négociations gouvernement – CPDC sous l’égide du bureau de la commission européenne (CE) à N’djaména. Mr. Alingué aurait aussi des difficultés financières énormes et recevrait même des pécules de la part de Deby (par l’intermédiaire de Youssouf Saleh Abbas qui représentait le gouvernement avec Mahamat Hissein à ces négociations avec l’opposition démocratique) mais aussi du Consulat de France et du bureau de la C.E.
Mr. Alingué aura la responsabilité historique de suivre l’enquête encours sur la disparition de Ibni Oumar et éventuellement d'organiser le procès pour que justice soit rendue. Une patate chaude entre les mains de Mr. Alingué.
Le Premier ministre n'est pas à la hauteur de la tâche.
Face à la crise économique qui secoue nos pays africains avec notamment la flambée des prix des denrées de première nécessité et qui occasionne des troubles sociaux majeurs, le Tchad, marqué par les conflits armés ravageurs, le blocage politique de ses institutions et les ingérences graves d’autres puissances dans son fonctionnement interne, présente une situation paralysante voire apocalyptique.
Le nouveau Premier ministre n’est décidément pas à la hauteur de la tâche, il n’affiche aucun charisme, n’a certainement aucune emprise sur ses ministres et ne présente aucune opportunité ni garantie pour les politico-militaires. C’est un gouvernement de façade, une sorte de trompe-œil juste pour amadouer l’opinion internationale échaudée par la criminalité du régime Deby scandaleusement soutenu par la France.
Maintenons la pression !
Les jours à venir seront encore plus difficiles pour les populations tchadiennes. La résistance nationale doit continuer et la mobilisation s’amplifier davantage. A l’instar de Salibou Garba et Saleh Kebzabo qui ont décliné l’offre de Deby, de tous ceux qui résistent à l’Est et partout au Tchad arme à la main, et enfin de tous ceux qui luttent en leur façon contre le régime antinational du MPS, l’effort doit être redoublé car l’ennemi n’a pas désarmé. Maintenons la pression !