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« Ce qu’il en coûte aux gens de se désintéresser de la chose publique,
c’est d’être gouverné par des gens pires qu’eux-mêmes »
PLATON


 

 

Mais qu’est-il arrivé à Abdoulaye Wade, pour qu’il se livre à cette comédie loufoque ? Que s’est-il produit pour qu’il se libère si facilement de la morale et se complaise dans cette mise en scène guignolesque ? Comment a-t-il pu, sur cette terre où des hommes d’une grande noblesse ont sacrifié leur vie au nom de la parole donnée, décréter que la parole ne lie en rien celui qui la donne, que les promesses n’engagent que ceux qui y croient ? Pour reprendre le très avisé Mansour Sy, qu’allons-nous enseigner à nos enfants, quand le plus âgé que nous ayons porté à la tête de ce pays, au lieu d’incarner la sagesse, se comporte en vulgaire chef de bande et leur apprend qu’il n’y a aucun mal à mentir et aucune faiblesse à se renier ? A-t-il prémédité son coup ou s’est-il laissé emporter par les éloges flatteurs de ses laudateurs zélés, au point d’oublier le sort qui l’attend ? Les questions s’enchaînent sous ma plume et aucune réponse ne me vient à l’esprit. On aurait cru qu’un malin génie s’est emparé de son plastique rabiboché pour narguer son peuple, mais c’est bien Abdoulaye Wade qui était assis sur cette table, entouré de micros, ivre de son génie, fier de sa stature.

C’était donc cela ! Un discours qui devait être un moment privilégié pour évoquer les véritables problèmes du pays s’est transformé en une séance d’exorcisme où l’essentiel pour la plupart des élus locaux transportés sur les lieux n’était pas de parler au chef de l’Etat ou de l’écouter, mais de le laisser parler. Il devait s’écouter parler, se montrer menaçant pour se libérer de ses propres peurs. Quelques téméraires ont tenté de le raisonner, mais c’était sans compter avec l’aveuglement de ce président et son narcissisme insatiable. Il avait le choix de rassurer des manifestants radicalisés, il a préféré voir en eux des bandits instrumentalisés. Il a pris l’option de la fermeture au lieu de l’ouverture, du conflit au lieu de la coopération. Au lieu de se montrer conciliant, il s’est installé dans une posture de combat. Les initiatives annoncées, les rumeurs sur la formation d’un gouvernement d’Union nationale n’avaient finalement pour seul but que de lui permettre de gagner du temps et de préparer la riposte. En faisant un tel pari, il prenait le risque de choquer l’opinion, qui a l’impression d’avoir un président de la République sourd à ses revendications, enfermé dans son tour de verre, prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. Mais quelle malédiction. Cet homme qui se croyait prédestiné n’a finalement rien qui soit au dessus du plus vulgaire des hommes. Il parlait comme un braqueur de banque sommé de partager son butin avec ses complices.

Malgré son discours alambiqué et infantilisant, sa progression thématique avait pour but premièrement de mettre ses élus au fait de ses réalisations pour leur donner des arguments de campagne, deuxièmement de positionner ses troupes et de les inciter à la violence. Les Sénégalais qui le regardaient parler ne devaient entendre qu’une chose, quils vont se faire massacrer s’ils s’aventurent de nouveau dans les rues. Il a déjà indiqué ce qu’il faut faire, en récompensant sur les lieux-mêmes, l’agresseur du député El Hadj Diouf.  Mais au lieu de galvaniser ses troupes, son mensonge flagrant sur sa candidature les a choqués. Ses partisans avaient besoin d’être convaincus par la légalité de sa candidature. Ils sont effondrés. Leur favori pour la présidentielle venait de leur dire : « Ne me croyez jamais sur parole. Les promesses que je fais ne m’engagent pas. Je peux vous dire aujourd’hui que je n’ai pas l’intention de vous imposer mon fils. Mais une fois réélu, ma parole ne me lie plus ». Le tout fermé par une Fatiha et un Ihlass bien prononcés par un peuple d’élus prosternés devant leur Dieu. C’était donc consternant !


La servilité ne manque jamais de motifs. Quelques maniaques larbins répondront à son appel au meurtre. Ils iront à sa messe du 23 juillet en offrande à sa mégalomanie. Sa dernière trouvaille est de corrompre les chefs de village pour les rallier à sa cause. Mais Abdoulaye Wade règne désormais dans un royaume imaginaire. Le peuple qu’il croyait sous sa commande lui a tourné le dos. Il ne se passe plus un seul jour sans qu’un marabout, un saltigué, un homme politique, un intellectuel ou un homme de culture lui demande de s’en aller. Il avait cru avoir corrompu les lutteurs avec 50 millions de francs et voilà que Yekini l’invite avec courage à partir. Il a convoqué Youssou N’dour à son palais pour le menacer, mais le chanteur ne se laisse plus impressionner. Au lieu de faire peur, ses menaces suscitent maintenant des ricanements, jusque dans son propre entourage. Tout le monde s’en moque. Des députés de sa majorité, des sénateurs qu’il a nommés disent de plus en plus ouvertement tout le mal qu’ils pensent de son « bambin-chocolat ». C’est une triste fin, une issue inattendue pour un homme qui a toujours dénoncé les corps intermédiaires pour parler directement à son peuple. Il ne compte plus que sur sa police pour régner, son administration pour frauder. Il a enlevé aux symboles de l’Etat toute leur dignité et s’il doit rester au pouvoir, c’est par la force qu’il le fera.

Les peuples se lassent de tout et je savais bien qu’un jour, le nôtre se lasserait de ce brigand. Depuis qu’il a sorti son scandaleux « ma waxoon waxeet », je me suis mis à faire l’inventaire de ses promesses jamais tenues. Je ne sais par laquelle commencer. Son engagement pris en novembre 2002 de faire des enfants des victimes des pupilles de la Nation ou sa promesse faite dans son discours du 31 décembre de la même année de donner à chaque sénégalais un toit ? Ou alors faut-il rappeler sa promesse de faire de Thiès une plateforme ferroviaire ? Il avait ajouté que « ce n’est pas un rêve, c’est un projet déjà ficelé ». Qu’en est-il de l’ouverture de l’université du futur africain qu’il avait annoncée pour décembre 2006 ? Rangée aux oubliettes, comme sa promesse d’établir une ligne de tramway entre Dakar et sa banlieue « avant la fin de l’année 2005 », alors que nous étions au mois d’août. Son projet « eau partout » annoncé le 11 août 2004 était encore plus ambitieux. Il prévoyait de récupérer les « défluents des fleuves Sénégal et Gambie » pour arroser tout le pays, alors qu’il n’arrivait pas à se débarrasser de l’eau qui inondait la banlieue. Aux habitants de Kaffrine, il avait promis un lac artificiel et à ses condisciples de Touba, la première ville africaine productrice de biocarburant, grâce au Tabanani. Mais le plus impressionnant, à mon sens, est la déclaration faite en présence des syndicalistes, le 1er mai 2005. Il leur avait annoncé que « le Sénégal ne produit pas de pétrole, mais il sera bientôt le plus grand pays exportateur de pétrole ». D’autres me diront que non, c’est l’annonce faite au cours d’une conférence internationale qu’il présidait au Méridien président. C’était en pleine crise céréalière. Il avait interrompu les travaux pour annoncer la bonne nouvelle : « J’ai une bonne nouvelle. Le Premier ministre indien m’a dit ce matin que l’Inde a décidé de mettre tous les ans à la disposition du Sénégal 650 000 tonnes de riz parfumé ». Il vient de nous révéler sa morale chère aux grands escrocs de ce monde : le menteur n’est jamais fautif, c’est le menti qu’il faut blâmer.

Souleymane Jules Diop

 

Tag(s) : #International
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