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  elections

Par Talha Mahamat Allim

Genève, Suisse

 



Conformément à la date indiquée par la CENI, le premier tour du scrutin présidentiel tchadien s’est déroulé à l’intérieur comme à l’extérieur du pays dans une ambiance plutôt d’indifférence que de gaieté. Ce scrutin est décrit par beaucoup d’observateurs avertis de la scène politique tchadienne comme étant sans enjeu majeur du fait du boycott des 3 candidats de l’opposition considérés comme étant les plus crédibles face à leur adversaire du parti au pouvoir Idriss Deby Itno. Les deux autres candidats restés en lice face à Deby ou plutôt à ses côtés étaient considérés comme des accompagnateurs du président sortant, voire même qualifiés de deux lièvres par l’opposition.

 

Certains vous diront même qu’il n’y pas eu de match ! C’était le MPS contre le MPS, le candidat sortant contre un membre de son gouvernement et contre un chef de parti qui n’a aucun représentant à l’assemblée nationale. Dans ce cas de figure, c’est un  match amical dont le vainqueur ne fait l’ombre d’aucun doute. Le seul enjeu de cette élection présidentielle tchadienne demeure donc le taux de participation, qui donnera d’une part une indication sur la prise de conscience de la population tchadienne sur le faux jeu démocratique mis en scène au Tchad et le piège électoral dans lequel sont tombés les opposants. D’autre part, il nous renseignera sur la crédibilité de cette élection et le degré de légitimité populaire du candidat élu.

 

Chaque tchadien peut se faire une opinion sur les leçons à tirer de ce processus électoral. En ce qui nous concerne, nous retiendrons quelques observations.

 

Premier constat : les trois candidats de l’opposition tchadienne qui ont appelé au boycott sont cohérents avec eux-mêmes. Car ils ne peuvent pas déposer des requêtes sur les dysfonctionnements relevés lors des élections législatives et en même temps aller aux élections présidentielles alors même que les instances institutionnelles concernées n’ont pas pris en compte leurs revendications. Ce qui ne rassure pas du bon déroulement des élections présidentielles. De ce point de vue, l’opposition a au moins le mérite de poser ses conditions et de ne pas continuer à accorder de caution politique et morale à l’élection présidentielle alors que le pouvoir en place garde les mêmes visions, objectifs et principes d’action, c’est-à- dire le statu quo malgré les demandes des réformes du processus électoral de la part de l’opposition. 

 

Deuxième constat : En attendant les chiffres officiels sur le taux de participation des tchadiens au vote, on peut relever 4 tendances. D’un côté, l’opposition parle d’un boycott massif et avance une estimation de 20% de taux de participation. De l’autre, le parti au pouvoir estime une participation correcte, ce qui ne signifie pas massive. Entre ses deux positions, il y a les observateurs avisés qui affirment avec prudence un taux moyen de participation alors que les citoyens lambdas mettent en évidence le désintérêt des personnes en âge de voter qui ont en grande partie boudé les urnes. Certainement que le véritable taux de participation se situe au milieu de ces 4 tendances. On peut en tirer deux observations : Premièrement, ce n’est pas une participation qui autorise à sauter de joie sur le toit pour le vainqueur qui qu’il soit. Deuxièmement, l’opposition a gagné son pari. Dans les deux cas, le président élu doit tenir compte de cette nouvelle donne politique au Tchad pour instaurer un large consensus dans la conduite des affaires publiques.


Troisième constat : .L’effritement de la peur chez de nombreux tchadiens et leur exigence d’être entendu. Ce qui implique la nécessité du président en exercice d’être à l’écoute de toutes les tendances politiques et toutes les couches socioprofessionnelles surtout lorsqu’il s’agit de prendre des décisions qui affectent considérablement la vie nationale.   


Quatrième constat : Le déroulement du processus électoral est peu reluisant, ce qui doit interpeller les observateurs internationaux dans leurs conclusions plutôt que de se laisser entraîner dans des formules et des discours préétablis. Leurs systèmes d’évaluations doivent être revues en tenant compte des réalités du pays et des préoccupations de populations, au lieu de se laisser guider uniquement par les injonctions ou menaces du pouvoir en place et la peur des scénarios catastrophes post électoraux.

 

Ce bref panorama du récent processus électoral tchadien est révélateur d’une soif d’alternance démocratique, de justice , de résultats significatifs dans le vécu quotidien de chaque tchadien, etc. Le président en exercice doit en tenir compte et être vigilent vis-à-vis de son entourage immédiat et des membres de son parti qui occultent souvent cet état de faits par la désinformation, les coup bas et la mise à distance de tout celui ou celle qui essaye d’apporter des contributions constructives. Ces pratiques ne peuvent que nuire non seulement au pays mais aussi au pouvoir en place lui-même ; elles doivent donc être combattues et disparaître.


Par ailleurs, il est évident aujourd’hui que le pays a besoin d’une véritable réconciliation entre ses fils et filles pour une véritable stabilité et un réel progrès dans la justice et l’unité au Tchad. Sinon le risque de violences serait d’actualité comme c’est le cas aujourd’hui dans de nombreux pays. C’est l’un des grands défis que devra relever le futur président du Tchad. Le pays a des moyens et il faut utiliser toutes les compétences nécessaires pour faire progresser le Tchad. Nous pensons que c’est de la réflexion commune entre tchadiens et du débat objectif tenant compte de leurs divergences qu’émergeront une vision nationale consensuelle pour le Tchad ainsi que les défis, enjeux et projets que tous les tchadiens seront prêts à soutenir et à porter pour un avenir meilleur.

 

Pour y parvenir, le système actuel doit changer. En effet, en dépit des apparences des discours et des masques politiques d’un grand nombre des cadres du parti au pouvoir, tous leurs efforts consistent astucieusement à entretenir, reproduire et cloisonner le système de cooptation familiale et clientéliste qui fonde leur jeu politique au détriment de l’intégrité, de la compétence, du mérite et de la bonne moralité. Il est fondamental de sortir de cette logique contre-productive et d’adopter un comportement politique réaliste et conforme aux attentes des populations et aux valeurs de la modernité sans renier nos racines, aussi bien au niveau national que dans les représentations du Tchad à l’extérieur.

 

Talha Mahamat Allim

Tag(s) : #Ambénatna
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