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Le Général Felix Malloum est décédé à Paris le 12 juin 2009 et comme c’est devenu une tendance aujourd’hui, c’est le site d’un journal français qui l’a annoncé en premier, avant d’être relayé une heure plus tard par Dieudonné Djonabaye, directeur de la communication présidentielle, annonçant aussi un deuil national de 10 jours. L’organisation des obsèques a été décalée pour cause de déplacement de Deby à Libreville pour assister à celles de Bongo.


Rappelons que le Général Malloum vivait au Nigéria depuis les années 1980 et est rentré au Tchad en mai 2002 à la suite d’une démarche initiée par la Ligue Tchadienne des Droits de l’homme pour le faire échapper à d’éventuelles plaintes contre lui au Nigéria au  nom de la compétence universelle. La LTDH était, en première ligne, dans le dépôt des plaintes contre Hissein Habré  et  était donc parfaitement consciente du lourd passif du régime CSM ; elle a ainsi conseillé au Général de se mettre à l’abri et c’est ce qu’il a fait. A-t-on pour autant éloigné à jamais les ombres du passé, rien n’est moins sûr, à voir tous les non dit autour de la cérémonie des obsèques.


La cérémonie officielle s’est déroulée de manière simple et rapide, le véhicule militaire transportant le corps est arrivé sans escorte à la place de l’indépendance. Hymne national, chant aux morts, allocutions.


Plusieurs constats : Deby n’a pas dit un mot, ni le Président de l’assemblée nationale, ni le Premier Ministre, la lecture de l’hommage est revenue à Kamougué, Ministre de la défense. L’on peut s’en étonner quand la République est en deuil pour 10 jours. Doit-on y voir les limites d’un hommage officiel à travers le refus d’une implication personnelle pour des considérations politiques liées aux évènements des années 1980 ?


C’est pourquoi le discours de Kamougué était très intéressant à écouter compte tenu de son propre rôle dans la mise à l’écart du général Malloum.


Le Général Kamougué s’est contenté d’un rappel biographique au plan de la carrière militaire du défunt. Quant à la carrière politique de Malloum, sa gestion des 4 années de pouvoir, le Ministre est passé dessus à une vitesse supersonique, sinon black out total et pour cause.


Quelques rappels : Au moment du coup d’Etat du 13 avril 1975 organisé par Kamougué et qui a mis fin au règne de Tombalbaye, Malloum était en prison, accusé de complot contre l’Etat par Tombalbaye. A la faveur de ce coup de force, Malloum rejoint les putchistes et sera nommé chef du CSM autrement dit Chef de l’Etat.

 

Dans le premier gouvernement, le General Malloum cumule son titre de chef du CSM avec celui de Ministre de la Défense et, soulignons que la scène politique tchadienne était surchargée de problèmes ; l’affaire Claustre n’est pas réglée, les différentes rebellions étaient là, et très prudentes par rapport aux intentions affichées par Malloum, à savoir faire la paix. Force est de constater que l’ouverture politique annoncée n’était guère négociable pour le CSM et,  donc malgré la chute de Tombalbaye, nouvelle impasse politique. Après plusieurs combats entre son gouvernement et les différentes rebellions, le Général Malloum, en l’absence de résultats concrets, décide de privilégier la voie des négociations, elles seront concrétisées avec le CCFAN d’HH à travers les accords de Khartoum.


En application de ces accords, Hissein Habré est nommé Premier ministre, mais cette cohabitation difficile a mené à un blocage des Institutions et a évolué vers un conflit armé. Les forces du Frolinat-FAP stationnées au Nord ont avancé vers la capitale et sont entrées dans la guerre elles aussi.


A la suite de tous ces événements dramatiques, les protagonistes ont été conviés à Maïduguri pour une table ronde, et après de multiples péripéties, le Gouvernement dans lequel Malloum était Président et Hissein Habré Premier ministre est dissous et le GUNT (première version) est mis en place ; Lol Mahamat Choua est Président, le Général Djogo est Vice-Président, Goukouni est Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur, Hissein Habré est Ministre de la Défense avec aussi le titre de Ministre d’Etat.


Comme on peut le constater la désignation du général Djogo a fait bondir Kamougué, véritable homme fort des FAT ; déjà ce dernier dans la volonté d’affirmer son pouvoir avait organisé une espèce de coup d’Etat interne au sein des FAT pour écarter le Général Malloum. C’est d’ailleurs, principalement, pour cette raison que le Général Malloum a opté pour un retrait total de la scène politique et même choisi volontairement de s’exiler au Nigéria .


C’est une précision qui a son importance, tellement aujourd’hui beaucoup de personnes réécrivent  à leur manière l’histoire du Tchad.


Certaines personnes ont même avancé que le retrait de Malloum s’expliquait par une divergence de fond avec  Kamougué qui prônait la solution fédérale pour régler les problèmes du Tchad, et que le général Malloum ne l’entendait pas de cette oreille.

Malloum écarté par Kamougué, celui-ci n’avait désormais qu’un seul vrai rival, c’est le General Djogo.


La rivalité qui l’a toujours opposé à Djogo, déjà palpable lors du putsch contre Tombalbaye, (à l’époque Djogo aussi souhaitait diriger le CSM) les deux hommes tous deux originaires du Moyen Chari, Djogo de Sarh, Kamougué  de Moissala comme Malloum, ira crescendo et poussera Kamougué  a  faire sécession et refusera de reconnaitre le GUNT. Il sollicitera l’aide de la libye  qui le soutiendra  pour organiser « sa zone ». Pour la petite histoire, le flirt de Kamougué avec la Libye est à l’origine de son "islamisation" à la Bongo, puisque c’est ainsi que Kamougué Vidal est devenu  Kamougué Ouadal Abdelkader.  Le Général Djogo a toujours contesté qu’on attribua au seul Kamougué l’organisation du putsch contre Tombalbaye. Selon lui, le projet était déjà bien ficelé quand Kamougué s’y est engagé. Rappelons qu’à l’époque Kamougué était Chef d’Escadron, Djogo, Général. Il prendra sa revanche sur ce dernier lors de la formation du second GUNT avec pour Président Goukouni, Vice-Président Kamougué himself, Ministre de l’Intérieur Mahamat Abba Seïd, Ministre de la Défense Hissein Habré, et Ministre des Affaires étrangères Acyl Ahmat…


Après ce survol  historique, on peut  comprendre mieux  les impasses dans le discours de Kamougué lors de cette cérémonie des obsèques de Malloum.


Revenons sur un point, le fait que Deby n’ait pas jugé utile de dire un mot, mais s’est simplement contenté de multiplier les gestes, notamment soutien à la famille et déplacement à Sarh pour assister à l’enterrement. Est-ce à dire qu’il ne voulait pas donner un cachet politique à ces cérémonies, les confinant dans un cadre humanitaire; ce qui pouvait expliquer pourquoi ni le Président de l’Assemblée, ni le PM ne se sont exprimés. Autre chose, Idriss Deby avait dit des mots très durs sur le général Malloum. En effet, interrogé sur RFI, il avait déclaré lors d’une émission rétrospective : « J’étais à Abéché à l’époque où le Général Malloum était chef des Forces Armées Tchadiennes, ce qu’il a fait là-bas, est extrêmement grave… ». Cette prise de position explique peut être le silence de Deby.

Tag(s) : #Ambénatna
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