L'ancien rebelle tchadien hésite, ne donne pas son nom, lâche qu'ils sont "très nombreux" comme lui à avoir rallié N'Djamena et finit par refuser de s'exprimer : "on ne peut pas dire ce qu'on veut (...), on est apolitique".
Affaiblis par le rapprochement entre le Tchad et le Soudan, les rebelles tchadiens sont aujourd'hui dispersés et tentent pour certains un difficile retour vers le Tchad qui s'apprête à réélire pour un quatrième mandat le président Idriss Deby Itno qu'ils ont combattu.
Un autre ex-rebelle, Tahir Hamidi Wordougou tend une carte l'autorisant à "circuler librement sur l'ensemble du territoire tchadien" et qui indique qu'il est "ex-UFDD", la rébellion de l'Union des forces pour la démocratie et le développement du général Mahamat Nouri, l'un des principaux chefs rebelles, dont il affirme avoir assuré la protection. Il dit avoir obtenu sa carte du médiateur national tchadien Abderaman Moussa rencontré à Khartoum et être rentré "il y a un mois"
"La majorité (des rebelles et ex-rebelles) sont dispersés", dit-il. Certains sont encore au Darfour ou au Tchad alors que d'autres se sont réfugiés en Centrafrique ou au Cameroun, voisins.
Début février 2008, la situation était très différente, une offensive rebelle était parvenue jusqu'aux portes du palais présidentiel, à N'Djamena, et Deby semblait sur le point d'être renversé.
Mais en 2010, Tchad et Soudan ont engagé un processus de normalisation de leurs relations après cinq ans de guerre par rébellions interposées. En gage de bonne foi, chacun a expulsés des chefs de mouvements armés hostiles à son voisin et les "rezzous" (raids) ne semblent plus menacer N'Djamena.
Sans compter qu'avec ses pétro-dollars le Tchad a perfectionné son armée. "Deby et (le président soudanais) Omar el-Bechir, ont fait l'accord. Ensuite les Soudanais ont dit que je devais partir", affirme M. Wordougou qui précise que les autorités soudanaises lui ont pris son matériel de guerre ( munitions et 4x4).
"Vivre à N'Djamena, c'est très difficile. On m'avait dit +celui qui est fonctionnaire peut retrouver son poste+, mais ça ne s'est pas passé comme ça", dit-il. "Partir là-bas (au Soudan), c'est facile, mais pour revenir, c'est difficile" , estime Ali Moussa Dakou, un autre ex-rebelle soulignant les risques : "ils vont t'attraper, te torturer".
Toutefois, en janvier, le président Deby a amnistié "tous les prisonniers de guerre appartenant aux différents groupes politico-militaires" et gracié des chefs rebelles condamnés à des peines de mort ou de perpétuité à la veille de la célébration du cinquantenaire de l'indépendance.
"Des dizaines" d'ex-rebelles sont aujourd'hui sans travail dans la capitale, selon M. Dakou. Il y a "des gens qui gagnaient, qui avaient des bonnes fonctions. Quand ils sont revenus, ils n'avaient ni travail, ni famille, ni maison". "La politique, pour nous, c'est fini. Dans ma région (le nord), il y a eu beaucoup de rébellion, beaucoup de guerres", dit-il, assurant désormais travailler avec d'autres jeunes, dont beaucoup d'anciens rebelles à la création d'une association de lutte contre la désertification rurale.
"Tous ceux qui ont rallié maintenant ont été abandonnés à leur sort et ne savent que faire", dit le général Nouri contacté par téléphone à Doha, au Qatar. Il reconnaît que la rébellion n'a plus "le même poids", mais estime qu'"il est très possible qu'elle reprenne très rapidement".
"Certains sont allés travailler la terre, d'autres sont laveurs de voiture à Khartoum", dit un cadre rebelle qui cherche à rentrer au Tchad et glisse, sous couvert de l'anonymat; "je n'ai qu'un métier dans ma vie, le métier d'homme politique, je ne sais rien faire d'autre".