L'Ambassade des Etats-Unis au Tchad a rendu public le 21 avril à N'Djaména le rapport annuel 2009 de 32 pages rédigé par le Département d'Etat américain sur l'évolution de la situation des droits de l'homme au Tchad.
Dans ce rapport, le gouvernement américain fait ressortir sans complaisance les violations en matière des droits de l'homme au Tchad. De manière claire, il est reproché au gouvernement tchadien des abus suivants : restrictions sur les droits des citoyens d'apporter une alternance à leur gouvernement, tueries extrajudiciaires, disparitions pour des raisons politiques, cas de tortures, bastonnades et enlèvements perpétrés par les forces de sécurité. Ces dernières, soulignent le rapport, bénéficient de l'impunité. Quant aux conditions d'emprisonnement, note le rapport, elles sont «critiques et cruelles» car les arrestations et les détentions sont arbitraires parce qu'elles sont faites «dans des lieux secrets, sans contact avec l'extérieur pendant une longue durée avant le procès. (...) Les prisons sont sérieusement bondées de personnes qui vivent dans des conditions sanitaires déplorables et les nourritures servies aux détenus sont de mauvaise qualité».
Par ailleurs, les forces de sécurité notamment l'Agence Nationale pour la Sécurité (ANS) et la Direction Générale des Services de Sécurité Intérieure et Extérieure (DGSSE) sont accusées de détenir des prisons secrètes. Il est également rapporté l'existence des prisons militaires dont l'accès est interdit aux organisations locales des droits de l'homme.
Les lois tchadiennes, relève le rapport du Département d'Etat, interdisent la torture et autres traitements dégradants ou punitions cruelles. «Cependant dans la pratique, le gouvernement ne respecte pas ces dispositions. Les membres des forces de sécurité torturaient, battaient, violaient et enlevaient des personnes. De telles pratiques ont aussi eu lieu en relation avec le conflit armé en cours. Le gouvernement n'a pris aucune action contre les membres des forces de sécurité responsables de tels abus». Néanmoins, reconnaît le rapport, «contrairement à l'année précédente, il n'a pas été rapporté que les soldats tchadiens sont intervenus pour massacrer les civils et brûler les villages en République Centrafricaine, en faveur des nomades Peuls qui font entrer leur bétail dans les champs des cultivateurs».
Sur le plan judiciaire, le rapport fait remarquer que le pouvoir judiciaire est sous le joug du pouvoir exécutif. Ce qui favorise l'absence d'un jugement équitable. Pour preuve, le document affirme que «la constitution et la loi stipulent que la justice est indépendante; toutefois, le pouvoir judiciaire est inefficace, insuffisamment financé, accablé, vulnérable à l'intimidation et la violence, et soumis à l'ingérence du pouvoir exécutif. Dans la pratique, les responsables du gouvernement et quelques personnes influentes jouissent souvent de l'impunité. La police judiciaire n'applique pas habituellement les ordres de la justice à l'endroit des militaires ou des personnes du groupe ethnique Zaghawa dont est issue le Président de la République. (...) Des magistrats ont reçu des menaces de mort ou bien sont confrontés à des problèmes de rétrogradation ou de leur retrait de la position qu'ils occupent dans le service à cause de leur refus d'obéir aux pressions des hauts responsables».
Par ailleurs, le rapport reproche également au gouvernement tchadien l'utilisation des enfants soldats (par l'ANT et les groupes rebelles tchadiens et soudanais) ainsi que l'utilisation disproportionnée de la force et d'autres abus dans les conflits internes y compris des tueries. Les Etats-Unis critique le régime de N'Djaména pour restrictions de la liberté d'expression, de presse et de rassemblement. Il en ressort aussi que la «corruption est officiellement répandue» dans le pays. Il note également des entraves aux activités des organisations non gouvernementales. A tous ces abus, s'ajoutent la violence et la discrimination à l'égard des femmes, des sévices sexuels, des enlèvements et traites des enfants, de la discrimination ethnique, de la répression des activités syndicales ainsi que des travaux forcés et exploitations des enfants.
Dans son récit, le Département que dirige Hillary Clinton déplore que jusque là, il n'y a aucune nouvelle exacte sur le sort d'Ibni Oumar Mahamat Saleh, l'un des trois éminents leaders de l'opposition arrêté en février 2008 dans le sillage de l'attaque rebelle sur N'Djaména. De surcroît, «il n'y a aucune arrestation relative à ce cas».
En somme, indique le rapport, il n' y a pas d'évolution concernant les dossiers des abus rapportés par la commission d'enquête sur les disparitions et autres abus commis du 28 janvier au 8 février 2008, période pendant laquelle des rebelles en provenance du Soudan avaient lancé des assauts sur la capitale tchadienne. Pourtant le rapport de la commission, rendu public en août 2008, a fait état de 977 personnes (civiles, militaires et rebelles) tuées, 1758 blessés, 34 viols et 380 détenus à N'Djaména et dans les provinces. Depuis lors, «aucun procès en rapport avec cette enquête n'a eu lieu pendant toute l'année».
Concernant l'appareil de sécurité au Tchad, le rapport renseigne qu'il est constitué de l'Armée Nationale Tchadienne (ANT), de la Gendarmerie, de la Police Nationale, de la Garde Nationale et Nomade du Tchad (GNNT), de la Direction Générale des Services de Sécurité Intérieure et Extérieure (DGSSIE) et de l'Agence Nationale pour la Sécurité (ANS). Ces forces sont chargées d'assurer la sécurité intérieure. Pour sa part, le Détachement Intégré de Sécurité (DIS) est chargé de protéger les camps des réfugiés et des personnes déplacées de leur zone d'hébergement.
En ce qui concerne la composition et le commandement de ces forces, le Département d'Etat des Etats-Unis souligne que «l'ANT, la gendarmerie et la GNNT travaillent sous la supervision du Ministère de la Défense, la police nationale exerce sous la supervision du Ministère de l'Intérieur, la DGSSIE et l'ANS rendent compte au Président de la République. Les officiers du groupe ethnique du Président Déby et les groupes ethniques alliés sont les plus nombreux à l'ANS. La composition ethnique de la DGSSIE est mixte, mais ses officiers étaient principalement des Zaghawa. La corruption et l'impunité des forces de sécurité étaient très répandues».