Mahamat Assileck Halata est secrétaire général au bureau de la représentation Europe de l’Alliance nationale pour le changement démocratique (ANCD, coalition de la rébellion tchadienne dirigée par Mahamat Nouri). L'ANCD rassemble le CDR, le FSR, le MDRT et l'UFDD dont Mahamat Assileck Halata est issu.
MTM : D’après les informations que vous avez obtenues, comment s’organise le soutien d’Idriss Deby à Mouammar Kadhafi ?
Mahamat Assileck Halata : D’après nos contacts au sein de l’armée tchadienne, 1.500 hommes sont partis vendredi transportés par quatre gros porteurs qui ont décollé de N’Djamena pour les déposer dans le sud de la Libye. Ensuite, ils ont poursuivi vers Tripoli par la route. Par ailleurs, l’ambassade du Tchad à Tripoli s’est lancée dans une vaste opération de recrutement de ressortissants tchadiens pour renforcer les troupes de Kadhafi. Une prime de $ 3.000 est proposée à ces Tchadiens. Il faut souligner que le fait de voir des Tchadiens se battrent aux côtés des hommes de Kadhafi n’est pas une initiative du peuple tchadien. C’est un accord entre deux dictateurs aux abois.
MTM : La communauté tchadienne de Libye est-elle en danger du fait de ce soutien ?
Pour l’instant, nos informateurs nous disent que c’est calme. Mais les Tchadiens qui sont en Libye ont peur. D’autant que cette communauté, qui doit compter 15 à 20 000 personnes sur le territoire libyen, n’est pas toujours très bien vue par la population locale. Ils ont été appelés par Kadhafi pour venir s’établir en Libye. Ils sont parfois considérés comme des « étrangers » qui sont venus spolier les richesses et les emplois libyens.
MTM : Quel est l’intérêt pour I. Deby de soutenir M.Kadhafi ?
D’abord, il faut savoir qu’Idriss Deby n’est rien sans Kadhafi. Quand des mouvements de rébellion se sont dressés contre Deby, ils ont souvent été étouffés par Kadhafi. L’ambassadeur du Tchad en Libye n’est autre que le demi-frère d’Idriss Deby. Il est celui qui, traditionnellement, surveille depuis la Libye les mouvements de rébellion qui arrivent du nord du pays pour renverser I. Deby. Par ailleurs, Kadhafi a de l’influence auprès d’un groupe de chefs d’États, notamment africains, dont Idriss Deby profite. Si Kadhafi tombe, Deby sera plus vulnérable. Il est le seul chef d’État africain à avoir envoyé des hommes pour soutenir Kadhafi, et ce sans aucune consultation en interne. Les élections au Tchad approchent et il risque d’avoir besoin de soutien ultérieurement. Il a choisi la politique du « donnant-donnant » car, quoiqu’en dise la presse, Kadhafi n’est pas encore tombé.
Par Anaïs DUBOIS, dernière mise à jour 24 February 2011 20:23