Déjà en 2001 et 2006, ils avaient boudé le scrutin. Pour cette présidentielle tchadienne reportée du 3 au 25 avril 2011, les piliers de l’opposition tchadienne ne seront pas présents. C’est le choix qu’ils ont fait connaître le 22 mars quand leurs recours pour les élections législatives de février ont été rejetés.
Le scrutin de fin avril n’est qu’une des étapes d’un long processus électoral entamé en février, qui doit prendre fin avec des élections locales prévues pour juin prochain, conformément aux accords politiques signés le 13 août 2007 entre le gouvernement et l’opposition.
Ce 13 février, lors des élections législatives, le parti d’Idriss Deby, le mouvement patriotique du salut (MDS) a remporté une écrasante victoire, avec près des trois quarts des sièges à l’assemblée nationale.
Mascarade d'élection
Mais déjà, ce scrutin avait été qualifié de « mascarade » par l’opposition, et le président de la commission électorale lui-même avait évoqué des irrégularités. Après le rejet des recours posés devant la cour constitutionnelle, les opposants Saleh Kebzabo, de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Renouveau (UNDR), le général Kamougué Wadal Abdelkader, leader de l’Union Démocratique pour le Renouveau (UDR), et Ngarlejy Yorongar, de la Fédération Action pour la République (FAR), ont donc décidé de se retirer de la course à la magistrature suprême. Les mêmes ont aussi annoncé une campagne invitant au boycott au sein de la population. Une campagne interdite par le gouvernement Deby.
Dès lors, certains craignent des violences à l’approche du scrutin. Par ailleurs, face à Deby ne restent donc que des candidats de moindre envergure - un ministre issu de son gouvernement, Albert Pahimi Padacké, et l’avocat opposant Nadji Madou.
« Cette élection est nulle et de nul effet », a déclaré Ngarlejy Yorongar, de la Fédération Action pour la République (FAR), qui dénonce aussi le manque de préparation en amont du scrutin
Double diplomatie française
Si ce vote devait manquer de crédibilité et de transparence, le pays court aussi un risque de voir resurgir la rébellion qui avait l'a ébranlé, notamment en 2008. Baba Ladé, chef d’un groupuscule de la rébellion, a affirmé hier à l’Agence France Presse qu’il était « prêt à reprendre les hostilités dans le sud du pays », contre un président tchadien accusé de fomenter « de la fraude électorale ».
L’association Survie a également d’ores et déjà dénoncé les conditions du scrutin du 25 avril, et « le soutien » de la France à Idriss Deby. « Survie avait déjà dénoncé la mascarade électorale du 13 février, des élections entachées de fraudes mais pourtant validées et cautionnées par l’UE et la France », a déclaré à la BBC Stéphanie Dubois de Prisque, chargée de communication de Survie, qui rappelle aussi que la France, ancienne puissance coloniale, reste présente sur le territoire tchadien via son Opération Epervier, en place depuis 1986.
« Une fois de plus Survie dénonce ce soutien (au régime Deby), puisque les Tchadiens aussi ont droit à une démocratie, tout comme les Tunisiens, a-t-elle ajouté. Nous dénonçons la double diplomatie française qui d’un coté soutient le peuple tunisien, qui s’est libéré d’un dictateur, et d’un autre coté continue à permettre l’oppression d’un autre peuple, le peuple tchadien ».
Malgré l’absence des figures de l’opposition, les élections tchadiennes devraient avoir lieu lundi prochain. Mais dans une Afrique où l’on connait les risques de violences post-électorales - la Côte d’Ivoire et le Nigéria n’en sont que les plus récents exemples – le Tchad, pays producteur de pétrole déjà déstabilisé par la crise de son voisin libyen, devra faire beaucoup pour préserver sa cohésion.
Source : BBC