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debyvote
Le Tchad organise le 25 avril prochain une élection présidentielle fantoche avec l’approbation de l’Europe et de la France (je devrais plutôt dire de l’armée française). L’association Survie détaille la situation actuelle dans ce pays dans ce communiqué de presse.

 

Il y a un petit peu moins de 20 ans, je partais au Tchad pour un volontariat de deux années. Idriss Déby que l’on n’appelait pas encore Itno était installé à la présidence depuis un an après avoir écarté Hissein Habré avec l’appui de la France qui supportait mal la compétition que le Président lui imposait avec les Etats Unis.

 

La période était trouble. Une chasse aux sorcières plongeait la capitale Ndjamena quasiment toutes les nuits dans le bruit des kalachnikovs et des lances roquettes. Au cœur de cette guerre civile, les petits volontaires français dont je faisais partie étaient bien à l’étroit et se demandaient ce qu’ils étaient venu faire dans cette galère.


Après quelques mois d’incertitudes et de couvres feux répétés, nous nous demandions si il ne serait pas plus raisonnable de rentrer chez nous plutôt de d’attendre le coup de chaud suivant. Nous avions donc posé cette question à notre association, à l’ambassade de France et à nos partenaires.


Nous avons découvert à ce moment là que nous étions otages. Otages d’une guerre larvée entre le Ministère des Affaires Etrangères et le Ministère de la Défense « Français ». Eh oui, aussi surprenant que cela puisse paraitre, notre sort était dans les mains de deux ministres français qui débattaient avec le Palais pour gagner la mise et garantir la présence des militaires français au Tchad avec pour alibi de protéger les civils français dans leur mission.


Cette realpolitik française est malheureusement toujours d’actualité 20 ans après. Le président en place a fait table rase de ses opposants trop ambitieux et a détruit les élites de son pays à coup de massacre dont le dernier en 2008 sous les yeux de la France et n'hésite pas à envoyer ses mercenaires pour appuyer Kadhafi.


Pendant ce temps, le peuple tchadien dans sa grande majorité ne rêve que de paix et de prospérité. Tout au long de mes années de périples africains, je n’ai jamais croisé de peuple aussi meurtri par 50 ans de guerre civile manipulée par notre belle démocratie française.


Nous prenons en otage, pour une simple ambition militaire et géostratégique, un peuple qui souffre et qui ne croit plus en sa chance d’avoir un jour son destin en main. Pour ces 50 années encore plus que pour la période de colonisation, la France a une dette sans limite envers le peuple tchadien. Cette dette, nous devrons un jour nous poser la question de notre capacité à la rembourser et d’imaginer comment.


Après avoir pendant 50 ans utilisé notre armée pour garantir la continuité du pouvoir guerrier en place, peut être pourrions nous imaginer garantir au Tchad un espace de paix sous protection militaire le temps de permettre au peuple tchadien de retrouver la force et l’ambition de construire la paix et la sérénité nécessaire à la mise en place d’un pouvoir démocratique à l’image de leur hospitalité.


Je sais qu’en ces temps de non ingérence, ces propos peuvent choquer mais trouvez vous que notre action militaire actuelle ne mériterait pas plus de révolte de notre peuple vis-à-vis de nos élites.


Si j’espère de toute mon âme un renouveau démocratique africain par les peuples eux-mêmes, je ne peux m’empêcher de penser que nous avons un devoir de réparation et que si un peuple sur cette terre mériterait réparation c’est le Tchad sans aucune hésitation.


Mon esprit utopique me fait espérer qu’un jour, une nouvelle présidente ou un nouveau président français puisse enfin avoir l’ambition de réparer nos erreurs cinquantenaires.


Emmanuel POILANE

Directeur de France Libertés
www.france-libertes.fr

Tag(s) : #Politique
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