A la lumière des révolutions populaires historiques en Afrique du Nord et au Moyen Orient, et plus proche de chez nous, en Libye, qui ne laissent indifférents aucun pays ni aucun peuple, la peur commence à changer de camp. Ce ne sont plus les gouvernés qui ont la trouille, ce sont les gouvernants qui tremblent. On observe un mouvement irréversible qui peut faire plier des régimes aussi bien autoritaristes que rusés ou despotiques. Les peuples abusés et victimes de tant de tortures morales et physiques, d’hypocrisies, de mensonges, de misères… se sont réveillés et ne demandent que le changement d’attitudes des pays émergeants et occidentaux pour encourager, accompagner et soutenir leurs luttes courageuses qui ne sont pas prêtes à s’arrêter. Le courage et l’autocritique valent mieux que le silence des lâches. Cette force humaine et massive prouve qu’elle souhaite des réformes sociales, économiques et politiques justes et équitables pour vivre simplement dans la liberté, la justice et la dignité.
La soif de justice, de dignité, du respect et de liberté traverse tous les courants de pensée, toutes les catégories socioprofessionnelles, tous les acteurs politiques aussi bien au Tchad qu’ailleurs. De ce point de vue, l’acte politique fort de l’opposition démocratique tchadienne concernant le processus électoral au Tchad mérite d’être souligné, salué et encouragé. La décision des trois poids lourds de l’opposition tchadienne de suspendre leur participation à la présidentielle du 24 avril 2011 et d’appeler la population à boycotter l’élection témoignent du courage, du sens de responsabilité et de la citoyenneté de ces trois candidats.
On assiste visiblement à une prise de conscience, voire à une rupture avec le passé ; certainement le vent de la révolution y est pour quelque chose. Comme le disait notre compatriote Lyadish Ahmed, l’époque est propice et l’opposition démocratique se doit de motiver les tchadiens à réclamer le changement de manière à ce qu’ils puissent jouir véritablement et pleinement de leur droits. La société civile et la diaspora doivent renforcer leurs efforts pour continuer à œuvrer dans le même sens pour le bien du Tchad.
Cependant, il serait plus productif de soutenir et d’accompagner politiquement le travail d’information, de sensibilisation et de mobilisation fait par la diaspora et la société civile auprès de la population et des instances étatiques, régionales, sous-régionales et internationales. Rien ne vaut la cohérence, l’intégrité, la vérité et le dialogue.
Par ailleurs, il est indispensable de faire un travail de fond pour améliorer notre système diplomatique. En effet, outre les dysfonctionnements relevés antérieurement et confirmés par bon nombre de diplomates tchadiens, notre diplomatie se caractérise par un certain amateurisme et des tâtonnements face à des situations qui engagent l’avenir du Tchad et pouvant avoir des conséquences lourdes pour les tchadiens. Cela s’est révélé en particulier dans ce que vit actuellement notre voisin du nord, la Libye.
A titre indicatif, les agissements des ambassades du Tchad à Tripoli, Genève et Bruxelles déshonorent le Tchad et les tchadiens et décrédibilisent sa diplomatie sur la scène internationale à moins que ce ne soit, comme l’affirment certains diplomates, de la diplomatie du ventre pour ne pas perdre son poste. Dans ce cas, le pronostic vital du Tchad en général et de son système diplomatique en particulier est engagé. Le réveil de tous les patriotes et autres bonnes volontés est plus que jamais nécessaire pour redresser le Tchad et ses institutions.
Parmi ces bonnes volontés, la jeunesse doit jouer un rôle prépondérant puisqu’elle constitue la principale force active et démographique du Tchad. Plus de la moitié de la population tchadienne a moins de 20 ans. Si on élargit l’assiette à 30 ans, la proportion devient considérable. Dans cette perspective, d’une part, les nouvelles technologies en général et Internet en particulier, constituent des outils indispensables et efficaces pour l’information, la sensibilisation et la mobilisation de cette jeunesse comme cela s’est avéré ailleurs.
D’autre part, il faut ouvrir les circuits d’ascension sociale, professionnelle, politique, économique et intellectuelle à cette jeunesse. Jusqu’ à présent, ces voies d’ascension ont été monopolisées par une minorité de tchadiens animés par leurs seuls intérêts personnels et égoïstes ainsi que ceux de leurs familles et clientèles. Cette minorité est moins préoccupée par le bien-être général du Tchad et de sa population, encore moins de sa jeunesse, plus particulièrement dans le jeu politique.
En dépit des apparences des discours et des masques politiques, tous les efforts consistent principalement à entretenir, reproduire et cloisonner le système de cooptation familiale et clientéliste qui fonde le jeu politique tchadien, parfois sous le couvert de la démocratie, afin de préserver le pouvoir, les opportunités et les privilèges dans les mains des mêmes par tous les moyens, des plus astucieux jusqu’aux plus comiques (pour ne pas dire relevant de la bêtise) en passant par la culture de la peur, voire même la violence.
Dans ce contexte, le sort du Tchad dépend moins des discours d’intention que des actes incarnant la rencontre harmonieuse et productive entre le personnel et le collectif, le national et le régional, le local et le global. C’est cela qui fait la valeur des grands hommes et qui peut apporter la stabilité, la sécurité et la paix au Tchad.
Il est temps que nos gouvernants prennent conscience que rien n’est éternel sur cette terre ; même ceux qui semblaient être des baobabs (Ben Ali en Tunisie, Moubarak en Egypte…) se sont écroulés comme des châteaux de cartes, et d’autres tremblent (Kadhafi en Libye, Bagbo en Côte d’Ivoire, Bachar El-Assad en Syrie, Ali Abdullah Saleh au Yémen …). Rien ne résiste à la puissance d’une jeunesse désireuse d’un avenir meilleur et consciente de sa force. Vaut mieux prévenir que guérir.
Talha Mahamat Allim