Réponse au camarade Secrétaire Général de l’ANCD
à sa réponse au droit de réponse
(Par Dr Jean-Prosper BOULADA, Président du Front Uni pour l’Alternance Démocratique au Tchad(FU/ADT)
Mon cher Secrétaire Général,
Je vous demande la permission de vous tutoyer, car vous et moi, nous nous connaissons. On peut dire à juste titre que nous sommes des camarades, nous appartenons au même camp, toi avec les armes, moi avec ma plume tout en étant solidaire avec votre combat héroïque pour en découdre avec la dictature du Général-Président Idriss Deby Itno.
Comme tu refuses d’afficher ton nom dans ta réponse à mon droit de réponse, je vais aussi me taire sur ton nom.
Dans ton préliminaire, tu estimes que :
je dois tout d’abord être concerné avant d’apporter mon appréciation sur le communiqué du Général Mahamat Nouri Allatchi.
Mais camarade, tout ce qui concerne la Côte d’Ivoire, le Tchad, ou tout autre pays africain, me concerne directement. Fidèle aux préceptes de nos prédécesseurs vivants ou morts, Théophile Obenga..., Cheikh Anta Diop, je pense que les Africains auront leur salut dans la Renaissance africaine ou les Etats-Unis d’Afrique avec la mise en application de trois instruments de souveraineté de la plus haute importance: battre la monnaie commune, la défense du continent et les institutions étatiques. C’est par ce que les Occidentaux sont conscients de tout cela qu’ils éliminent physiquement un à un nos martyrs depuis les “indépendances” jusqu’à ce jour: Ernest Ouandié, André Grenard Matsoua, Ruben Um Nyobé, Patrice Emery Lumumba, Kwame Nkrumah, Amilcar Cabral, Samora Machel, Thomas Sankara...
La première phase du combat de notre continent, c’est d’abord, qu’à l’intérieur de chaque Etat, nous arrivions à décoloniser nos dictateurs... Nous atteindrons forcément ces objectifs. C’est la logique de l’histoire et la gesticulation des puissances occidentales contre ce processus, n’y peut rien. C’est une question de temps. Comme le dit Frantz Fanon: “Tous les problèmes humains demandent à être considérés à partir du temps”.
C’est un chapitre qui mérite un autre développement.
Revenons à l’analyse de fond de ta réponse.
Ton deuxième faux pas, c’est de dire que je n’ai à votre égard que de la condescendance, du “mépris”. Tu ne verras nulle part dans mon droit de réponse un tel propos. Mon éducation basée, sur le respect des aînés, ne me le permet pas. J’ose espérer que ta parole a dépassé ta pensée.
Par rapport au verdict des urnes sur la Côte d’Ivoire, tu répètes inlassablement, ce que le club d’amis de la gouvernance mondiale, par le lynchage médiatique de leurs moyens d’informations de masse, a voulu, de gré ou de force, que le monde entier comprenne. Il n’y a rien de nouveau.
J’ai déjà répondu à la question de fond. Peu importe, qui a gagné, M. Alassane Dramane Ouattara (ADO) ou M. Laurent Gbagbo (le disant ce n’est pas forcément être contre ADO). Ce qui est important, mais que tu t’obstines à ne pas comprendre, c’est que “quelque soit le vainqueur de l’élection présidentielle du 28 novembre 2010 en Côte d’Ivoire, les contentieux électoraux en Afrique sont nombreux. Ils n’ont jamais servi de base à une justification d’intervention militaire occidentale. Mais alors pourquoi la Côte d’Ivoire ?” avec autant de massacres, un encouragement au génocide inter-ethnique qui ne dit pas son nom, avec la conséquence aujourd’hui d’une chasse à la sorcière? Si on laissait les Ivoiriens résoudre leurs problèmes sous l’arbre à palabre au lieu d’en arriver à de telles extrémités. Tu trouveras certainement la réponse, en révisionnant les documentaires de France Télévisions sur :
-FrançAfrique
-Afrique(s)
-Le tout dernier qui n’est pas de France Télévisions : “Laurent Gbagbo, dans le tourbillon de Golfe de Guinée”, à moins bien sûr que tu t’en détournes en estimant que c’est de la propagande du “trotskysme gauchisant” dont j’y reviendrai.
Revenons dans notre terroir, le Tchad.
Tu dis : “chez nous, malgré les avis du Conseil Constitutionnel favorables à Deby, nous savons qu’ils ne reflètent pas la réalité des urnes...”
Oui, tu as raison : ni les avis de la CENI, ni ceux du Conseil Constitutionnel, tous deux favorables à Deby, ne reflètent la réalité des urnes. Mieux, ce verdict totalement faux, est validé par les observateurs appartenant à cette même Communauté internationale, l’UE, les NU, l’UA, la Francophonie...
Tu remarqueras que cette fraude massive répétitive de 1996 à ce jour, n’a jamais servi de base à une justification d’intervention militaire occidentale pour rétablir la réalité des urnes en faveur du véritable vainqueur. Mais alors pourquoi la Côte d’Ivoire ?
Ce qui est moins compréhensible c’est quand tu t’interroges: “ou bien c’est par ce que Deby n’est pas de gauche ?”. Je vais essayer par déclinaisons des cas à comprendre ton interrogation.
Selon toi, si nous autres, soutenons le Président Laurent Gbagbo, qui a le Conseil Constitutionnel à sa “dévotion”, c’est par ce qu’il est de Gauche. En revanche, nous ne soutenons pas Deby, qui a le même Conseil Constitutionnel de son pays à sa “dévotion”, c’est par ce qu’il n’est pas de Gauche. Comprends-tu maintenant la légèreté de ton interrogation ?
D’abord, c’est quoi être de Gauche ?
Il faut nous entendre sur une définition avant de pouvoir avancer. J’avoue mon incapacité de t’en fournir une. Tout ce que je sais c’est qu’en Occident, le paysage politique se décline en Gauche, Droite, Centre, Centre droit, Centre gauche, Extrême droit, Extrême gauche. Je ne me sens nullement concerné par cette caractérisation. Si, dans les années 60, nous étions forcément imprégnés par cette idéologie occidentale, elle ne m’a jamais servi à me libérer culturellement comme je le suis aujourd’hui. Car vois-tu, cher camarade, par rapport à la problématique qui est la nôtre, brièvement brossée dans mon préliminaire, nous devons dépasser ce concept et revenir à nos origines pour puiser les ressources nécessaires à notre combat quotidien : réapproprier notre propre histoire, l’Afrique, berceau de l’humanité (nous voilà avec Toumaï alors que les Sao, servaient déjà de socle fédérateur à tous les Tchadiens), l’Egypte antique, noire, berceau de la civilisation planétaire dans tous les sens du terme. Il ne s’agit pas d’un afrocentrisme revanchard, raciste à l’envers contre l’Occident, contre l’homme Blanc. Non, nous n’avons pas besoin de cela. Aussi extraordinaire que cela puisse l’être, il y a des Blancs, qui se sont appropriés des causes des Noirs, qui se combattus pour la cause des Noirs, qui se font faits assassiner pour la cause des Noirs...hier, aujourd’hui et demain.
Il faut que nous dépassons le concept Droite-Gauche, car vois-tu, sur tous les sujets relatifs à l’antériorité de la civilisation culturelle africaine dans l’histoire, Cheikh Anta Diop, disait de la “Gauche française qu’elle est plus minable”que la Droite française”. Pour preuve, leur silence assourdissant sur les interventions militaires françaises au Tchad, les hold-ups électoraux au Tchad, en Centrafrique, au Gabon, au Togo, au Burkina et maintenant en Côte d’Ivoire et l’intervention actuelle en Libye, qui contraste avec tout ce que le PS a comme galaxie de “pétoche à parler”. Je ne mets pas les Verts sur cette liste.
Sur cette question de blocage à l’alternance démocratique dont se sont spécialisés les dictateurs africains avec la complicité des décideurs politiques européens et africains, une veillée de passe d’arme musclée, aux Journées Européennes de Développement à Strasbourg que, j’ai délibérément provoquée, m’opposa à Jean Ping, Président de la Commission de l’UA, son ami Louis Michel, ex-Commissaire européen au Développement et à l’Aide Humanitaire et Alain Joyandet-ex-ministre de la coopération de Sarko. Il s’agissait pour moi de rompre avec le débat consensuel “Média et Développement”pour mettre l’accent sur le débat de fond à savoir la véritable alternance démocratique en Afrique dont les observateurs de l’UA, l’EU, des NU et de la Francophonie, ont toujours contribué à fausser les règles du jeu: (lire sur:http://survie67.free.fr/alsace/JPB-JED-2008-11.pd )
Donc, cher camarade, que Idriss Deby Itno, soit de Gauche ou de Droite, nous savons dans quel fourgon, il a atterri à N’Djaména avec son fameux “ni or ni argent, mais la démocratie”. Nous n’avons jamais cessé de dénoncer ses dérives dictatoriales et la main basse de son clan sur le Tchad.
Pour terminer, tu as soulevé 3 questions de fond :
”la lutte contre l’impérialisme ne doit pas être vue seulement sous le prisme du trotskisme gauchisant”, que “vous n’avez pas attendu Michel COLLON pour lutter contre Deby et ses sbires”.
Par rapport au concept Gauche et Extrême-gauche, je n’ai pas à y revenir.
Que tu aimes Michel COLLON ou pas, n’empêche qu’il a bien énoncer les 5 principes de la propagande de guerre néo-coloniale de Sarko, de Cameron et d’Obama.
Depuis la victoire de Sarko sur Laurent Gbagbo, le trio s’est vu pousser des ailes. Ils sont prêts à transgresser la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des NU pour déloger le Colonel Khadafi. Et Alain Juppé, le ministre français des Affaires Etrangères, hier à l’Assemblée nationale française, de renchérir: “que les dictateurs de tous les pays du monde n’ont qu’à bien se tenir”. Le fameux effet domino en marche. J’imagine, camarade, que dans ton fort intérieur, tu pousses un “ouf de soulagement. Enfin.”. Mais ne rêves pas trop. Reste lucide. Le trio ne viendra jamais déloger Idriss Deby Itno qui inversera en sa faveur la réalité du verdict du scrutin présidentiel, sans enjeu, en cours, vu le boycott des 3 poids lourds dits de l’opposition “démocratique”. Le rejet du pouvoir clanique est tel que même les deux candidats sous-marins et accompagnateurs, Maître Nadji Madou de l’ASRI et M.Pahimi Padacké Albert du RNDT/Le Reveil, sont capables de remporter la présidentielle, si celle-ci se déroulait dans les conditions réellement démocratiques et transparentes.
Enfin tu dis :
-”Sur le problème ivoirien, notre conviction est exempte de toute erreur de jugement...”
Camarade, je n’ai cessé de rire, pas un rire moqueur mais par la façon dont tu martèles les mots et ça me faisait du bien. Par contre ce qui l’est moins, c’est quand tu dis :
“sauf si un nordiste ivoirien, systématiquement assimilé à un étranger dans son propre pays par certains, n’a pas le droit d’être élu Président”.
Nous y voilà. Nord-Sud, Est-Ouest, piège ethnique facile qu’affectionnent les Occidentaux. Comme le disait Tom Erdimi, dans l’analyse de leur méa-culpa, pour regagner la grande famille de l’opposition et la résistance armées tchadiennes, tu viens d’être rattrapé par la “pesanteur clanique” ou “confessionnelle”. En politique, les problèmes ne se posent pas en termes de passion ou sentiment pour celui-ci ou pour celui-là, pour celle-ci ou pour celle-là, ni en termes de confessions religieuses, musulman, chrétien. Pour preuves, Idriss Déby, n’a pas hésité un seul instant à assassiner les frères et soeurs, cousins ou neveux des frères jumeaux, depuis qu’ils ont décidé de lui déclarer la guerre, de même qu’il n’a pas épargné le Général Mahamat Nouri Allatchi et bien d’autres leaders de l’opposition armée. Et le Prof. Ibni Oumar Mahamat Saleh, l’a-t-on oublié ?... Il faut que nous transcendions les clivages et nous poser la question pourquoi depuis 1960 jusqu’à ce jour, nous en sommes au même point ? La rébellion armée, le Tchad en regorge mais pourquoi nous en sommes toujours au même point ? Pourquoi l’opposition armée, en février 2008 aux portes du pouvoir à N’Djaména, se retrouvait dans l’incapacité d’abréger la souffrance du peuple tchadien pour prendre le pouvoir à sa portée ?
Toi et moi, nous en avons discuté à la dernière conférence de l’opposition plurielle du 12 au 13 mars 2011 à Paris. Nous en avons disséqué le Grey’s Anatomy de l’opposition armée tchadienne. Il importe de tirer les leçons et avancer.
Avec tous mes respects, camarade Secrétaire Général
Dr Jean-Prosper, Président du Front Uni pour l’Alternance Démocratique au Tchad (FU/ADT)
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