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debyparis.jpgDepuis deux ans, la famille de l’opposant tchadien Mahamat Ibn Saleh attend, la mort dans l’âme, d’être située sur le sort de ce dernier, même si elle ne se fait pas d’illusions sur l’éventualité de le revoir en vie.


Arrêté par les militaires en même temps que deux autres opposants, Mahamat Choua et Ngarlejy Yorongar, alors que l’offensive des rebelles à Ndjamena, en février 2008, était à un doigt de renverser Idriss Deby Itno, lui n’aura pas la baraka de ses anciens compagnons d’infortune. Cette disparition quasi mystérieuse ressemble bien à celle du journaliste franco-canadien Guy André Kieffer dans un supermarché d’Abidjan en 2004.


En dépit des multiples actions de la France auprès des autorités ivoiriennes, la famille de ce confrère reste dans l’attente d’être fixée sur son sort pour éventuellement porter le deuil ; l’affaire impliquant la famille du président Laurent Gbagbo, elle ne pouvait qu’être un serpent de mer. Dans le cas qui nous occupe, la France a une responsabilité, du moins morale.


En effet, c’est connu que l’actuel maître de Ndjamena doit son salut à l’armée française, qui s’est impliquée à plusieurs niveaux : dans les renseignements et dans les combats aux côtés des forces gouvernementales tchadiennes ; c’est d’ailleurs dans la foulée de cette percée de la rébellion que les militaires, aux ordres de Deby, ont procédé au kidnapping des hommes politiques cités plus haut.

 

Ayant été très près, sinon au centre des événements, les militaires français et la représentation diplomatique en savent tout ou presque en détail. Il faut donc saluer le rebondissement de l’affaire au palais Bourbon avec la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française, qui entend faire la lumière sur l’affaire Saleh.


C’est pourquoi elle a auditionné deux diplomates français : François Zimeray pour les droits de l’Homme et Bruno Foucher, Ambassadeur de France à Ndjamena, le mardi dernier, et compte déposer une résolution à l’Hémicycle pour demander au gouvernement français de veiller à ce que le comité de suivi de la Commission d’enquête fonctionne. Mais quelle incidence cette initiative, si noble, aura-t-elle sur le dossier ?


Elle occupera certes les parlementaires de l’Hexagone (ils sont bien dans leur rôle), pour un temps et fera l’actualité un moment avant de retomber dans l’oubli sur l’autel des intérêts franco-tchadiens. Déjà que les députés n’aient pu entendre, secret défense oblige, les militaires cités par la commission d’enquête ; eux qui sont des acteurs de terrain, ce ne sont pas les diplomates, habitués aux propos convenus, qui diront la réalité des faits.


En tous les cas, on ne peut pas chercher hors du palais de Deby le ou les auteurs de cet enlèvement. Celui qui détient le pouvoir au Tchad détient aussi la vérité sur cette affaire. Et comme toujours, les puissants du moment, surtout sous nos Tropiques, ne faisant rien qui leur déplaît, il est illusoire de penser que le pouvoir, sans y être contraint, laissera éclater la vérité.


Dans l’histoire, on peut citer le cas de l’empereur d’Ethiopie Haïlé Sélassié, déposé en septembre 1974 et dont la dépouille fut dissimulée sous les toilettes du palais par Mengistu Haïlé Maryam avant d’être découvert en 1992, un an après la chute de ce dernier. Vu que la France ne va pas bousculer le Tchad au regard de ses énormes intérêts, dont l’or noir, ce dossier risque de dormir dans les tiroirs aussi longtemps que Deby sera au pouvoir, et tant pis pour ceux qui ont faim et soif de justice.



Abdou Karim Sawadogo
L’Observateur Paalga

Tag(s) : #Politique
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