Depuis quelques jours, l'affaire des faux dinars de Bahreïn défraye la chronique tchadienne et maintenant internationale car des grands médias européens et américains sont revenus dessus.
Outre le silence assourdissant de la présidence de la République du Tchad dans cette affaire qui éclabousse le chef de l'Etat, j'ai aussi relevé un traitement partagé de la part des administrateurs des sites et blogs Internets. Regardons un peu les différentes positions :
Le blog Ndjaména-matin s'est distingué par sa promptitude en livrant des infos dont certaines sont carrément des scoops confirmées plus tard. C'est dire que dans ce dossier, les gérants de ce blog se sont réveillés très tôt ces derniers jours pour servir un travail de haute facture. Bravo car leurs écrits sont repris un peu partout. Il faut cependant regretter l'absence d'un point de vu personnel sur cette affaire. C'est un peu de "l'équilibrisme".
Pour les gérants du blog Ambenatna, Hassan Fadoul est une « crapule » qu'il ne faut pas défendre pour la simple raison qu'il est un proche de Deby et parce qu'il a fait beaucoup de mal avec le régime MPS. Ils ne verraient pas d'inconvénient que Monsieur Fadoul soit livré à Deby !
A ce niveau, je me demande si les amis d'Ambenatna ne font pas du « deux poids, deux mesures ». Sinon, comment pourraient-ils m'expliquer le traitement conciliant à l'égard d'un Timane Erdimi ? Car, sans aucun doute, l'actuel président de l'UFR était beaucoup plus puissant, plus impliqué dans la gestion du pouvoir mafieux de Deby (période 1990 à 2005) et donc moins défendable que son parent faussaire Hassane Fadoul. Et qui vous dit que les frères Erdimi n'ont pas eu leur part dans ces milliards blanchis ? Malheureusement, comme tout le monde le sait bien, il y a aujourd'hui dans cette rébellion beaucoup de personnes qui devraient avoir un casier judiciaire bien chargé. N'est ce pas ?
Le site Tchadanthropus, après moult hésitations, a finalement opté pour la condamnation des agissements criminels de la Debyfolie en appelant les uns et autres à s'opposer à ce que le dernier témoin dans cette affaire de faux dinars de Bahrein soit réduit au silence. En clair, monsieur Hassane Fadoul Kitir est considéré comme un opposant génant pour le régime Deby et par conséquent, il faut le soutenir contre cette traque françafriquaine.
Soit, chacun est libre d'exprimer sa pensée et c'est très bien ainsi. Je voudrais pour ma part faire une précision de taille. Monsieur Hassane Fadoul Kitir n'est pas un simple témoin qui relate une affaire, ce qui pourrait faire croire à certains que ses responsabilités réelles dans ce trafic de fausses monnaies sont plus ou moins mineures. Il faut savoir que Monsieur Fadoul est un acteur, complice et recéleur dans cette malheureuse affaire de faux dinars de Bahreïn.
Pour rappel, l'affaire de faux dinars de Bahreïn qui porte sur une faramineuse somme de plus de 100 milliards de francs Cfa, avait été conçue par les services spéciaux iraniens dans le seul but de déstabiliser l'économie de l'Etat du Bahreïn, un Emirat à majorité Chiite (comme en Iran) mais gouverné d'une main de fer par la tribue Sunnite des Al-Khalifa. D'autres considérations politiques existent parmi lesquelles la présence militaire américaine.
Une complicité interne au niveau de la banque centrale de Bahreïn avait permis d'obtenir les filigranes du billet de 20 dinars (42,68 euros) et c'est ce qui a permis d'en produire des faux d'une qualité irréprochable.
Les Iraniens ont confiée l'affaire à Monsieur Richard Mwamba du RDC (toujours en cavale). Ce dernier, expert en la matière pour avoir détruit la monnaie de son pays, le zaïre, va fabriquer cette montagne de faux billets au Brésil. Les cantines de ces faux billets seront d'abord stockées à Ostendé en Belgique avant d'être acheminées aux preneurs que sont, entre autres, les présidents Idriss Deby du Tchad et Baré Maïnassara du Niger (assassiné le 9 avril 1999).
Pour le cas spécifique qui nous intéresse, celui du Tchad en particulier, à deux reprises, le 25 mai et le 18 juin 1999, un Boeing 707 de la compagnie Aviation Service Brussels va livrer à N'djaména l'équivalent de 28 milliards de francs Cfa. Les cantines contenant ces faux billets ont été stockés dans les magasins de la présidence de la République avant d'être blanchis au Tchad, dans la sous région, en Arabie Saoudite et même en France.
Précisons que dès le 9 juin 1999, les autorités du Bahreïn savaient déjà que les coupures de 20 dinars étaient fausses et avaient alerté les banques à travers le monde. Cela n'a pas empêché Idriss Deby et Hassan Fadoul d'accepter la deuxième livraison du 18 juin. Une délégation gouvernementale du Bahrein s'était même rendue à N'djaména et a séjourné une semaine à l'Hotel sans pouvoir rencontrer les autorités tchadiennes qui se sont murées chez elles.
Mais revenons un peu en arrière pour dire que plusieurs rencontres ont eu lieu à N'djaména mais aussi Paris, précisément dans un appartement situé place du Palais-Bourbon occupé par une femme de nationalité franco-nigérienne, celle-là même qui était en compagnie du CEMGA Moussa Bachar Houno décédé à Paris à la suite d'un accident de circulation ! A toutes ces rencontres, Monsieur Hassane Fadoul Kitir avait activement participé et représentait son patron Idriss Deby. Il est donc le complice d'Idriss Deby.
Puis, une fois la marchandise livrée, Idriss Deby et ses proches se sont servis. Hassane Fadoul Kitir a aussi eu sa part, une bonne part on suppose vue son implication personnelle dans le dossier. Combien ? On le saura peut être un jour.
Donc, nous constatons bien que Monsieur Hassan Fadoul Kitir a activement participé avec les services spéciaux iraniens, leurs sous-traitants du RDC et les relais en France et en Belgique dans la finalisation de cette opération qui a consisté au blanchiment de l'argent sale. Il est de ce fait un acteur dans ce trafic illicite. Et comme lui même il a eu droit à une importante part du gâteau empoisonné pour la blanchir à sa manière, il tombe aussi sous le coup du recel.
Ayant compris et rapidement mis au courant que Deby s'apprête à l'arrêter et le charger exclusivement de ce trafic honteux pour sauver sa peau et son "honneur", Hassane Fadoul Kitir entre en contact avec les services de la DGSE présents à la base militaire française à N'djaména qui vont discrètement et rapidement organiser son voyage sur Paris.
A Paris, l'attendaient déjà à l'aéroport les agents d'Interpol. Hassane Fadoul Kitir va vomir tout ce qu'il a dans le ventre. Puis sur la demande de la France, le Togo l'accueille en tant que réfugié politique où durant 10 ans il va se la couler douce, se livrant même à des activités politiques subertives. Aujourd'hui, le Togo fait volt-face car les instructions venant de l'hexagone ont changé. Hassane Fadoul Kitir est arrêté et déporté dans le fief des Ayedema à Kara, un lieu hermétiquement fermé où même RFI ne peut ballader son micro. Monsieur Fadoul qui compte sur cette radio apprendra à ses dépens.
En France, les casseroles de Deby sont nombreuses maintenant : affaire Ibni, affaire biens mal acquis, rébellions tchadiennes, Darfour, faux dinars de Bahrein, ...ect. Aussi, il ne faut pas espèrer que cette affaire s'étouffe d'elle même ! Sarkozy est un business-président, il cherche des marchés pour son pays où semble t-il les caisses sont vides aussi. Avec l'Etat du Bahreîn, plusieurs accords de coopérations ont été signés ces dernières années. Rien qu'en 2009, le président français s'est rendu à deux reprises à Bahrein et a signé des accords dans le domaine du nucléaire civil, du transport aérien, de l'économique et aussi du militaire. Cela permet d'affirmer que la politique ne s'interféra pas brutalement dans ce dossier judiciaire.
En fin, Hassane Fadoul Kitir a t-il oublié que les Etats n'ont pas d'amis mais plutôt des intérêts ? Avant lui, combien d'autres ont été utilisés et jetés tels des kleenex par les services spéciaux français quand les intérêts de la France le recommandent. Certainement beaucoup. Demain, on apprendra que Koumba le flingeur du président Moussa Dadis Camara a été arrêté ou abattu par la junte guinéenne.
Tout porte à croire que Deby et son cousin Fadoul trouveront, avec l'appui des Conseillers de l'Elysée, un compromis pour une issue heureuse dans cette affaire où tous les deux sont décidément bien trempés.
Abdelbassit Mahamat Zène
depuis l'Algérie