En proie aux dévastateurs effets cumulés du cocktail spiritueux-pétrodollars, Deby a, tout au long de son interview, étalé les signes évidents d’une mégalomanie aggravée, agrémentés d’une série d’affabulations, les unes plus éhontées que les autres. En effet, comment comprendre et mesurer autrement ses déclarations, rapportées en toute prévenance et complaisance, par le journaliste-agent commercial au service du gourou autocrate Ben Yahmed, lequel nourrit autant de mépris pour les Nègres que d’amour pour leur argent. Suivons plutôt le déroulement de l’interview :
1 – L’introduction flatteuse de Cheikh Yerim Seck : Ceux qui le voient assez souvent, lors de ses sorties publiques ou à la télévision, ceux-là qui sont privés d’eau potable, d’électricité, de bois de chauffe, de soins élémentaires, et vivent quotidiennement des atteintes et menaces graves à leur intégrité morale et physique ainsi qu’à leurs biens ne peuvent partager l’affirmation selon laquelle Deby aurait « aujourd’hui les traits apaisés », assure aux Tchadiens un « cadre de vie (qui) change à vue d’œil… (que) l’argent du pétrole coule sur le Tchad… ». Si l’argent du pétrole coule, ce n’est sûrement pas au bénéfice des populations tchadiennes sevrées du minium individuel et social. C’est une constatation qui saute aux yeux de tout observateur objectif, donc non complaisant. Nul, au Tchad, voire même de l’extérieur n’ignore que les retombées financières que récolte le régime tombent, pour l’essentiel, dans les bourses de Deby, de sa famille, de son clan et de ses souteneurs. L’Europe, notamment la France, l’Asie, en particulier la Malaisie, le Proche-Orient, précisément Dubaï, Les Etats-Unis et secondairement l’Afrique abritent de fortunes considérables, surtout en biens immobiliers, en argent liquide et/ou en placements diversifiés. Une ONG qui mène discrètement une enquête sur ce dossier depuis plus d’un an a, d’ores et déjà, réussi à collecter des informations impressionnantes, précises et détaillées. Elle est scandalisée par l’ampleur des détournements opérés par les premier et second cercles des tenants du pouvoir. Les quelques chantiers de construction qui ont obnubilé les yeux complices de Cheikh Yerim Seck ne sont rien plus que des faire-valoir, des travaux qui ne répondent à aucune norme de qualité, potentiellement dangereux et servant essentiellement à camoufler des malversations programmées sources d’un enrichissement écœurant. Les réalisations issues de ces chantiers ont une durée de vie très limitée. Dès leur première année de pluie, elles offrent des signes évidents de malfaçons et de non respect des règles de l’art.
2 – Par rapport à l’opposition politico-militaire : Comme à son habitude Deby est allé de son couplé sur les « mercenaires » et le propagateur du « fondamentalisme islamique » Oumar El Béchir. Aux « pillards », aux « harkis » au service du Soudan, il promet les feux de l’enfer. Pas le moindre signe d’ouverture, et ne leur offre qu’une seule et unique alternative : se rendre (en faisant une escale initiatique à Tripoli, une formalité incontournable) ou périr. A ses dires, Deby ne connait qu’un seul et unique ennemi, Oumar El Béchir qu’il accable de tous les maux du Tchad. Dépité par la position équilibrée, apaisante et conciliatrice de l’Union Africaine, il a déclaré : « J’ai décidé de retirer le dossier à l’UA pour le confier aux Nations Unies ». Mais l’Union Africaine poursuit son action, avec ou sans lui.
Passons rapidement sur les trop gros mensonges de Deby qui attribue aux Rebelles, lors de l’attaque de Ndjamena en Février 2008 : « mise à sac des localités traversées, sabotage des infrastructures et administrations publiques, pillages des récoltes et des greniers, viols à grande échelle, enrôlement forcé d’enfants dans leurs rangs… En seulement quarante-huit heures, ils ont tué 700 personnes et causé pour 160 milliards de FCFA de dégâts matériels ». Les témoins des évènements de Février 2008, Tchadiens et Etrangers, eux, n’ont pas constaté ces faits imaginaires sortis du cerveau embrumé du tyran. En réalité, l’opinion nationale a été horrifiée des bombardements aveugles, des tueries indiscriminées et des pillages en règle dont les habitants de Ndjamena furent victimes de la part des miliciens de Deby, habitués de ce genre de comportement hautement répréhensible.
3 – Concernant Hissein Habré : Son interviewer rappelant la similitude de l’aide soudanaise aux Rebelles à celle qu’il avait reçue lui-même de ce même pays pour renverser le régime de Habré, Deby répond : «… En 1990, le danger que représentait Habré pour les droits de l’homme, l’unité des Tchadiens et la paix dans la sous-région imposait une implication de tous les pays voisins pour obtenir son départ… ». Voilà un aveu de taille, publiquement exprimé pour la première fois, et qu’il convient d’expliciter, car, l’aveu manque de précision. En effet, c’étaient la Libye, la France et le Soudan qui furent les véritables auteurs du coup d’Etat ayant mis fin au régime de Habré et, à cet effet, ces pays n’avaient pas lésiné sur les moyens mis en œuvre. Leurs motivations n’avaient rien à voir avec les inepties indiquées par Deby. Pour la France, les enjeux étaient le pétrole tchadien, le nationalisme et l’esprit indépendant de Habré, un mauvais exemple susceptible de contamination dans le pré-carré ; Pour la Libye, c’était la revanche à prendre suite à sa défaite militaire dans le Nord tchadien, un obstacle à écarter du chemin de ses ambitions au Tchad ; Pour le Soudan, l’exécution des termes d’un marché conclu avec les deux puissances impliquées dans les affaires tchadiennes. Si, aujourd’hui, ce dernier pays est en différend avec Deby, c’est fondamentalement à cause du soutien que ce dernier n’a cessé d’apporter à la Rébellion darfouri au déclenchement duquel il prit une part active, et ce, dans le cadre du projet dit de la renaissance du « Grand Dar Zaghawa ». Quant à la Libye et la France, elles demeurent toujours les tuteurs attitrés, assurant à leur créature un irremplaçable parapluie protecteur.
Le factotum de Ben Yahmed pose une question bien orientée : « Par quel miracle avez-vous pu vous tenir à l’écart de toutes les dérives du régime Habré ? ». Comme s’il avait vécu et donc savait, en tant que témoin objectif, de la réalité et de l’effectivité des prétendues dérives qu’il attribue au régime de Habré ! Comme il fallait s’y attendre, Deby proclame qu’il est plus blanc que neige ! Bombant le torse, il se met à fanfaronner sur ses supposées vertus militaires, notamment par rapport à la guerre Tchad-Libye. En réalité, pendant toute cette période de guerre, il était hors du Tchad, à l’étranger. C’était, à cette époque qu’il fut « travaillé », récupéré et « retourné » par les services spéciaux français et libyens, et enrôlé dans le dispositif visant le renversement du régime HH ; l’objectif du coup d’Etat, longtemps caressé par Mitterrand et Kadhafi, étant de placer au sommet de l’Etat tchadien, un pantin appelé à jouer le jeu de la conciliation des intérêts et ambitions français et libyens que Habré a longtemps réussi à mettre à mal.
Autre affabulation lamentable : Se défendant d’être mêlé à quoi que ce soit sous le régime Habré, cependant qu’il assumait successivement les hautes fonctions de Commandant en Chef des FANT, et Conseiller à la Présidence chargé des affaires de défense et de sécurité, jouissant pleinement de la confiance et de l’amitié de son Chef. S’il y avait eu des « dérives » comme le dit avec certitude Cheikh Y.Seck, il ne pouvait être que responsable ou coresponsable ou bien complice. Pire, en affirmant, sans vergogne, avoir perdu onze de ses frères, « onze Deby qui ont péri dans les geôles d’Habré » insiste-t-il, le Général Deby qui se réfère souvent à son honneur d’officier a carrément disjoncté, perdu le peu d’humain qui lui restait et versé dans l’ignominie la plus odieuse. Selon quelques membres de sa propre famille interrogés à cet effet, Deby n’a que cinq frères : Les quatre, Timane Deby, Daoussa Deby, Saleye Deby et Oumar Deby sont tous vivants et milliardaires, jouant les premiers rôles à ses côtés ; le cinquième Hamid Deby avait été tué dans des combats ayant opposé, à Oumchalouba (Nord-Est tchadien), les forces gouvernementales aux rebelles de Goukouni Weddeye dans les années 1984-1985. A ce sujet d’ailleurs, il se raconte qu’arrivé sur les lieux à la fin des combats en provenance de Biltine, Deby, fou furieux devant le corps sans vie de son frère, aurait fait exécuter, de sang froid, plus d’une soixantaine de prisonniers. Aïe ! Sa mémoire lui jouant des tours, plus loin dans l’interview, il parle de ses six frères et sœurs. Faut-il croire qu’il ignore le nombre exact de ses frères et sœurs ! Faut-il croire également qu’il ignore que jamais il n’y a eu un Deby ministre sous le régime Habré, et que, de mémoire de Tchadien, jamais un Deby n’a été identifié comme médecin ! Continuant dans la menterie vaniteuse, Deby qui n’a jamais subi la moindre blessure de guerre prétend avoir « du plomb dans le corps ». Sans sourciller. Qui a dit, plus le mensonge est gros, plus il fait effet ? Mais, ceux de Deby sont monumentaux, monstrueux et particulièrement grossiers, sans compter qu’il en fait un usage horriblement abusif.
4 – Affaire Arche de Zoé : Alors que Deby, obéissant aux injonctions et menaces de Sarkozy, a libéré les voleurs d’enfants tchadiens sans exiger son reste, le voilà qui pleurniche sur un manque à gagner financier que son parrain lui aurait promis l’intervalle, un tantinet complice, d’une gorgée de champagne et d’une embrassade enthousiaste d’un certain au-revoir. N’est-ce pas nul n’a le droit de se plaindre de ses propres turpitudes, quoique Deby veut jouer la comédie d’abuser de l’opinion en général, des victimes et leurs familles en particulier.
5 – L’argent du pétrole : Selon les dires du Général-Président, « aucun pays au monde n’utilise mieux ses ressources pétrolières que le Tchad. La transparence est absolue… ». Excusez du peu. Cependant, Il reconnait acheter des armes, mais l’essentiel des ressources serait consacré, selon lui, au social, au culturel, aux infrastructures, bref au développement du Tchad. Mais alors, comment comprendre qu’à Ndjamena, la capitale du pays, la plupart des quartiers vivent dans l’obscurité, souvent un mois d’affilée, qu’ils ne connaissent pas l’eau potable, privés des soins médicaux élémentaires (ceux qui en ont les moyens se rendent régulièrement au Cameroun voisin ou plus loin à Abidjan, Dakar, voire l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et, pour les plus fortunés, La France, l’Allemagne, Bruxelles, les Etats-Unis et même la Chine et le Japon au bout du monde) ; l’éducation est moribonde avec en prime une qualité d’enseignement désespérante ; l’insécurité généralisée qui frappe les citoyens et leurs biens, et l’on peut continuer ainsi pour tous les aspects de la vie nationale.
Les revenus du pétrole profitent substantiellement et en priorité à Deby, sa famille, son clan et à ses affidés. Dans ce sombre univers crapuleux et prédateur, des jouvenceaux mineurs-adultes analphabètes ou semi-analphabètes se retrouvent milliardaires en perdition. Voyageurs de luxe aux quatre coins de la terre, admirateurs de Dubaï, ils s’offrent Palais luxueux et limousines hors prix, cohabitant avec, alentours, une misère révoltante. Et, que dire des dizaines, peut-être des centaines de milliards engloutis dans Amdjeress, village natal du tyran en voie de « badolitisation » (Badolité, village natal de Mobutu transformé en cité de rêve) ; Amdjeress, un véritable trou perdu au milieu du grand désert du Nord tchadien, habité par quelques dizaines de semi-nomades brutalement assommés par une modernité agressive, flamboyante et aux mœurs répugnantes ; une implantation totalement étrangère au mode de vie de cette population. Sans compter que les Amdjeressois subissent déjà l’insupportable présence des Darfouri soudanais du MJE de Khalil Ibrahim qui disposent dans le coin d’une base militaire qui est aussi un paradis pour tous les trafics possibles et imaginables : marché de drogue et d’armes à feu légères et lourdes, commerce de bétail volé, prostitution, kidnapping et enrôlement de mineurs, et tout à l’avenant.
Vider le Tchad de ses ressources vitales à leur profit n’est pas suffisant pour ceux qui ont pris la Nation en otage ; la perversion éthique et morale que ce régime propage à travers le pays a fini de porter gravement atteinte à toutes les valeurs qui fondent et entretiennent la bonne santé psychologique, psychique et physique des Tchadiens. Deby, provocateur devant l’Eternel, ose clamer, certes, en détournant le regard de son vis-à-vis et en baissant les yeux : « Je suis un homme sincère, tolérant, qui déteste le mensonge et la cupidité ». Grand Dieu, il y a de quoi détester une certaine nature humaine, tant les sentiments qui animent cette espèce d’hommes sont d’impureté et leurs paroles de fausseté. Les propos tenus par Deby, tout au long de cette interview, sont si incroyables que l’on peine à croire à leur authenticité. En effet, qui pouvait imaginer qu’en la personne de Deby coexistaient le père de la Turquie moderne, Mustapha Kemal Atatürk et le bienfaiteur et ami des pauvres l’Abbé Pierre ! Pour le plus grand bonheur des Tchadiens en particulier, et des Africains en général ! Il a fallu donc, l’inspiration du génial Béchir Ben Yahmed et le labeur de son talentueux serviteur zélé Cheikh Yerim Seck pour nous sortir de notre aveuglement. Dieu reconnaîtra les siens, le peuple Tchadien appréciera.
Adoum Issa
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