Porcine, la grippe mexicaine ? Tout juste à moitié, corrige Bernard Vallat, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé animale, qui déplore le retard pris, à cause de cette mauvaise expression, dans les recherches.
Est-il correct de qualifier la grippe apparue au Mexique ce week-end de « grippe porcine » ?
Bernard Vallat : Cette terminologie vétérinaire désigne une autre maladie et nous nous sommes vivement opposés à l'usage de ce terme : le seul nom approprié pour la pathologie qui s'est répandue pour l'instant est « grippe mexicaine ». Il y a bel et bien une composante porcine dans cette épidémie mais nous n'avons pour l'heure constaté que des cas humains et aucun cas de porc contaminé ! En réalité, il s'agit d'un cocktail de souches grippales : deux souches porcines (une américaine et une eurasienne), une souche aviaire américaine et une souche humaine.
Quelles sont les conséquences de cette confusion ?
Le fait d'utiliser cette terminologie a reporté les efforts d'investigation et de recherche scientifique sur de mauvaises pistes, ce qui a fait perdre du temps. Il y a également eu un impact sensible sur la consommation : les gens ont arrêté d'acheter du porc alors qu'il n'y avait aucun risque. Cette grippe se transmet par l'air, d'humain à humain. Nous sommes néanmoins en train de faire des analyses pour voir si le bétail (poulets, chevaux, porcs, etc.) y est sensible. Mais nous n'aurons les résultats qu'en début de semaine prochaine.
Comment gérer cette épidémie à moyen terme ?
Nous ne savons pas comment elle va évoluer mais elle se présente dans des conditions particulières : aux Etats-Unis, sur tous les cas déclarés, un seul a eu recours à des antiviraux, les autres l'ont soigné comme une simple grippe, avec de l'aspirine. Alors qu'au Mexique, les cas mortels ont atteint 5% des malades déclarés, ce qui est énorme ! Reste à savoir si la maladie va évoluer comme aux Etats-Unis ou comme au Mexique. Il y a néanmoins un biais : les victimes déclarées au Mexique ont toutes été dans des hôpitaux, alors que, aux Etats-Unis, il s'agit de tous les patients qui ont consulté un médecin. La statistique est donc faussée et la mortalité au Mexique est peut-être bien plus basse que déclarée.
Ensuite, il y a les conditions météorologiques : chaque année, une nouvelle souche de grippe parcourt la population humaine et tue 500.000 à un million de personnes, principalement âgées. Mais c'est au coeur de l'hiver. Là, nous sommes au printemps dans l'hémisphère Nord, ce qui ne convient pas vraiment à un virus de ce type. Il s'agit maintenant pour les Etats d'isoler les malades et de gérer en fonction de l'évolution de l'épidémie.
Quel rôle a selon vous joué la médiatisation de l'épidémie ?
Quand un risque d'une telle ampleur est connu, il est normal qu'il soit rapidement médiatisé : le traumatisme de la grippe aviaire est passé par là et il vaut mieux trop d'information que pas assez en matière de prévention. Le seul risque c'est qu'une fois que le risque sera connu et délimité, la dramatisation continue, ce qui pourrait avoir des effets nocifs sur la mise en place des mesures de précaution par les Etats.