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De part et d’autre, on nettoie et affûte les armes, on peaufine les plans tactiques et les ordres de bataille, on réorganise et renforce la logistique, on procède à des répétitions de manœuvres et on passe les troupes en revue. Ainsi, le Gouvernement et l’Union des Forces de la Résistance (UFR), chacun pour soi, effectuent les réglages indispensables avant le jour J que chacun attend sans en connaître la date, sans même être sûr et certain qu’il y en aurait un. Il est toujours de bonne sagesse de ne point ignorer les imprévus et les retournements de situation en politique. Mais, une très forte probabilité et une croyance justifiée suffisent pour émettre un point de vue.

Du côté Ndjaména, c’est la défensive et on attend prêt à recevoir - bien que le cœur n’y est pas - ces hôtes que l’on a jamais invités à un « dîner » quelconque. En face, c’est l’offensive qui est privilégiée, et l’on semble ronger son frein. L’enjeu de ces nouvelles retrouvailles, pas confraternelles du tout, s’avère d’une telle gravité que les deux camps sont résolus à ne faire aucune concession. Dans cet esprit, on a estimé devoir faire les choses en grand et en beaucoup plus sérieux qu’auparavant. D’un côté comme de l’autre, les effectifs en ligne de front et à l’arrière ainsi que les moyens logistiques connaissent un net accroissement. Les services de renseignements français qui suivent l’évolution de la situation sur champ, à la manière de surveiller une marmite sur un foyer ardent, confirment ces informations tout comme les déclarations émanant des officiels de Ndjaména et celles émises par des personnalités autorisées de l’Opposition armée.

Déby a écumé presque tous les marchés des confettis de l’ancien empire soviétique pour s’équiper en hélicoptères d’attaque, avions bombardiers, chars d’assaut, pièces d’artillerie de gros calibre et autres lanceurs de missiles. Les revenus du pétrole, tout l’argent collecté ça et là ou carrément extorqué à ceux qui en possèdent (bien ou mal acquis, cela importe peu pour les Itno), le trésor amassé grâce aux activités de trafics mafieux en tout genre, notamment le blanchissement d’argent sale et l’industrie de la fausse monnaie pour lesquels le clan au pouvoir entretient un appétit prononcé, une grande partie de tout ce pactole a servi à ces acquisitions destinées à semer la mort. Uniquement, injustement et aveuglement. Politique de la terre brûlée afin de sauvegarder, pérenniser et continuer à jouir des avantages et privilèges que procure le pouvoir par l’appropriation privée des ressources nationales au bénéfice du clan Deby en premier lieu, de sa clientèle d’obligés locaux et de ses soutiens françafricains. Aux matériels de guerre en abondance, il faut ajouter les escouades de mercenaires blancs payés à prix d’or pour l’emploi des armes les plus sophistiquées. Il paraît que Deby qui doute de plus en plus de la loyauté de ses soldats du terroir, compte beaucoup et plus que de raison sur l’engagement et l’efficacité de ses affreux pour se tirer d’affaire. Comme si un mercenaire ne pense pas en premier lieu et avant tout sur le gain qu’il peut tirer de son aventure pour ensuite en jouir tranquillement ; ce qui implique qu’il doit scrupuleusement veiller à rester vivant, surtout qu’il sait qu’en face de lui, il y a des SAM, des MILAN et autres dangereux bidules porteurs de mort certaine. Complétons ce tableau en rappelant l’appui militaire et diplomatique que ne cessent d’apporter à Deby les pouvoirs français et libyen pour la simple et bonne raison qu’ils ont fait du Tchad une espèce de condominium soumis à leur volonté partagée. Deby peut donc s’enorgueillir de bénéficier de l’appui de ces deux Etats tout comme il n’arrête de fanfaronner aligner un matériel de guerre impressionnant dans un pays économiquement et moralement à genoux pour dire le moins. Mais au fait, dispose-t-il aujourd’hui des hommes qu’il faut pour arriver à ses fins macabres ? L’on peut très sérieusement et pour de bonnes raisons en douter !

Quant à la Rébellion, jamais elle n’a pu se donner autant d’atouts que dans la situation présente. En effet, et c’est le plus important, elle a enfin réussi à dompter les démons de la désunion en fédérant les différents mouvements politico-militaires, et partant, se doter d’une structure de commandement unique qu’exprime l’Union des Forces de la Résistance (UFR) avec à sa tête Timan Erdimi, un homme pour qui Deby n’aurait pas de secret et qui, dit-on, peut compter sur la fidélité de cellules dormantes dans le saint des saints à Ndjamena. Manifestement, l’UFR semble faire preuve de cohésion et d’autorité, et en tout cas un nouvel élan est donné à la Rébellion. Chose essentielle, la jeune Organisation bénéficie du soutien enthousiaste et engagé de la base, c’est-à-dire, pratiquement tous les Combattants sans distinction de leurs groupes d’origine constitutifs de l’Union des Forces de la Résistance. Si cette dernière n’a ni bombardiers, ni hélicoptères, ni chars, elle dispose en contrepartie de quoi pulvériser ces engins au moyen de ses SAM, MILAN et autres bijoux de nouvelle génération. Au moment où les puissances néocolonialistes menacent dangereusement et le régime d’Oumar Al-Béchir et l’unité du Soudan, et ce, par tous les moyens y compris l’instrumentalisation de Deby et ses Darfouri du MJE, le pouvoir soudanais ne peut faire moins en faveur de ses alliés objectifs tchadiens. Et, il est évident que, dans ce moment historique où la LIBERTE des Tchadiens est piétinée, l’UNITE des Soudanais est gravement menacée, la Rébellion tchadienne et le Régime soudanais ont besoin du soutien de l’un l’autre et ne doivent pas ne pas s’entraider. Il s’agit là de part et d’autre, d’une exigence morale et politique, d’un engagement qui relève d’une vision stratégique des relations Tchad-Soudan.

Ceci dit, il y a une différence – cette différence est de taille – entre les deux forces qui se disputent la direction du Tchad. Il s’agit du facteur humain. En effet, les hommes au service du clan au pouvoir à Ndjamena, dans leur grande majorité, sont dégoûtés de l’injustice, des abus humiliants et des traitements dégradants auxquels ils sont soumis. Au sein de ce qui tient lieu d’une armée, il y a les membres et les proches du clan Deby Itno qui bénéficient d’un statut particulier leur permettant de jouir d’avantages et de privilèges spéciaux. Ils occupent chacun et tous un rang « hors classe », et ils sont chacun et tous des chefs supérieurs, des chefs, des sous-chefs, des hommes d’influence, formellement ou de fait. Les autres sont proprement réduits au rang de « tirailleurs » mal lotis, malfamés et utilisés tout bonnement comme chair à canon à très bon compte. Alors, quid de leur moral et de leur combativité ? A l’opposé, l’Union des Forces de la Résistance rassemble des hommes libres qui combattent pour une cause (libre qui veut questionner la nature de cette cause, cela va de soi), désormais fort réconfortés par une unité longtemps espérée, attendue et enfin retrouvée ; enthousiastes, portés par un moral top niveau et confiants dans leur cause et plus que jamais déterminés à relever le défi.

Résumons : Deby dispose de matériels militaires surabondants, peut aligner des effectifs bien plus nombreux que ceux d’en face, fantasmer au sujet de ses mercenaires, de ses soutiens français et libyens. La Rébellion, quant à elle, peut compter sur une supériorité morale incontestable et sur une ardeur combative élevée. Toutes choses, par ailleurs, considérées à juste titre, le facteur humain va peser lourd dans la balance, et il devrait marquer la différence. Il va sans dire qu’à cet effet, l’UFR ne va sûrement pas négliger une bonne tactique, souple et variable qui s’adapte facilement et au plus près aux imprévus, aux fluctuations, aux manœuvres adverses, une grande mobilité qui crée l’improvisation et la confusion dans les rangs opposés.

Pour conclure, disons clairement qu’un duel d’enfer se prépare, que le choc promet d’être terrible et terrifiant. Et, dans ce genre de situation le vainqueur n’est jamais connu d’avance, à moins de vouloir porter la tunique du « diseur d’avenir », à l’instar du marabout du coin. Cependant, sur la base des données ci-dessus exposées, il est permis d’avancer que la Rébellion tient le bon bout, affiche des atouts d’ordre humain décisifs pour l’emporter sur la soldatesque debyenne, pourvu que l’UFR parvienne à exploiter du mieux qui se peut les possibilités qu’offre son potentiel humain riche et puissant. Pourvu également qu’un deal traître, conclu sur le dos de l’opposition politico-militaire, entre les acteurs du trio calamiteux France-Libye-Soudan, ne vienne bouleverser les paramètres actuels de la situation. Surtout que des pourparlers franco-soudanais, à un niveau très élevé, se déroulent cette semaine à Paris. Selon des indiscrétions, la situation au Tchad et au Darfour figurerait en tête de l’ordre du jour des discussions… Alors, qu’en est-il ?


Dr SOULEYMANE ISSA SALEH
souleymaneis@yahoo.fr

 

Tag(s) : #Politique
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