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Le séjour du Président de la République du Tchad en Suisse. Quelle image retenir de notre représentation diplomatique à Genève ?

 

Par Talha Mahamat Allim

Genève, Suisse


Dans le cadre du 13èmeSommet de la Francophonie, le Président tchadien a séjourné en terre helvétique du 22 au 24 octobre 2010. Nous essayerons dans le présent article de mettre en évidence certains des points de ce qui s’est passé durant cette visite et les enseignements qu’on peut tirer pour que des pratiques de certains de nos représentants ne se reproduisent plus à l’avenir.

 

La plupart des tchadiens résidant en Suisse étaient au courant de la participation du Chef de l’Etat tchadien à ce 13èmeSommet. Ce n’était pas un secret d’Etat. En effet, le directeur général du protocole d’Etat a effectué un déplacement spécial pour peaufiner les préparatifs de cette venue avec les autorités helvétiques. L’ambassade savait très bien cela depuis des mois ; cependant, quelle ne fût la surprise des tchadiens de Suisse de recevoir, deux jours avant l’arrivée du président Deby, des mails en catastrophe et des coups de téléphone intempestifs de la part de l’ambassade les invitant à venir accueillir le Chef de l’Etat.

 

Cela relève de l’improvisation, à moins qu’il y ait des mobiles cachés. Cette tentative de maintenir les tchadiens éloignés de leurs dirigeants s’inscrit-elle dans la même démarche consistant à tenir secrets l’existence et le lieu des locaux de l’ambassade ? Cela pourrait-il expliquer le fait que le Chef de l’Etat n’ait pas visité les locaux de l’ambassade alors que c’était sa première visite depuis sa réouverture en 2005 ? En matière d’Etat, on n’improvise pas ! Par respect pour les lecteurs, nous passons sous silence les détails.

 

Cela peut être lu comme un signe de l’amateurisme organisationnel du responsable de l’ambassade en l’occurrence le chef de la mission permanente du Tchad à Genève. En fait, de nombreuses déficiences peuvent être relevées depuis les préparatifs jusqu’au départ du Chef de l’Etat pour le Tchad.

 

La communication n’a pas été bonne. On a observé une absence manifeste d’une structure chargée d’organiser cette visite et de contacter qui de droit. De plus, l’organisation aussi bien dans la forme que dans le fond n’a pas été collégiale ; certains membres du personnel de l’ambassade ont été écartés. Quand on à faire à un tel événement, le bon sens voudrait qu’une équipe soit mise en place et que tous les collaborateurs soient tenus informés du déroulement des travaux de cette équipe au nom de la transparence et de la gestion participative. Cela donne plus de crédibilité ; un tel événement engage non seulement l’image du Tchad mais aussi des ressources humaines et financières tchadiennes non négligeables.

 

On notera par exemple qu’à l’aéroport de Genève, en dehors des officiels suisses et des membres du personnel de l’ambassade, aucun représentant de la communauté tchadienne en Suisse n’était associé. Ce qui tend à renforcer notre constat d’un malaise profond entre l’ambassade et la communauté tchadienne en Suisse.

 

A Montreux, les tchadiens contactés à la dernière minute et qui ont pu se libérer attendaient dans le froid avec leurs enfants pour l’accueil du président et pour honorer le Tchad. Lorsque le cortège présidentiel est arrivé à la hauteur des tchadiens regroupés dans une rue de Montreux, le Chef de l’Etat s’est arrêté et est allé au contact de ses compatriotes. Il les a salués et a posé des questions sur le nombre des tchadiens en Suisse, leurs activités si loin de leur terre natale ; il a aussi voulu savoir si ceux qui étaient présents habitaient tous à Montreux, etc.

 

Ce que nous aimerions souligner, c’est qu’il n’y avait aucun représentant de l’ambassade pour jouer le rôle habituel de relais entre le Chef de l’Etat et chacun des membres du groupe des tchadiens présents quand le Chef de l’Etat leur donnait la main pour les saluer. Les circonstances ont fait que nous nous sommes retrouvé entrain de jouer ce rôle. C’est ainsi que nous avons été amené à répondre à ces questions.

 

Le fait marquant de cette scène, c’est l’attitude de l’ambassadeur. En voyant cela, il s’est précipité – oubliant même les règles du protocole – pour se métamorphoser en chef de protocole en cherchant à couper court à tout prix les conversations entre le Chef de l’Etat et ses concitoyens, sous le regard ébahi du N°1 du protocole d’Etat et de la délégation présidentielle dont un des membres lui a fait un clin d’œil pour laisser continuer les conversations. Au terme de ces conversations, le Chef de l’Etat a exprimé le souhait de nous rencontrer collectivement dans le cadre d’une audience. Toutefois, cette dernière n’a pas eu lieu sans qu’aucune explication ne soit donnée à la communauté tchadienne en Suisse.

 

C’est vraiment dommage. En référence au discours de fin d’année 2009 du président Deby appelant ses compatriotes de la diaspora à apporter leurs contributions dans les différents chantiers de construction nationale, les tchadiens présents à Montreux auraient aimé exprimer leur engagement à œuvrer dans ce sens. Les membres de la communauté tchadienne en Suisse avaient des propositions intéressantes à faire au Chef de l’Etat notamment concernant le dialogue, le développement durable, l’exploitation de certains produits à forte potentialité économique, etc. Mais malheureusement, ils n’en ont pas eu l’opportunité.

 

Il nous semble primordial d’explorer toutes les contributions de la diaspora, ses potentialités, ses expériences, ses compétences pour en faire des outils pouvant contribuer à l’amélioration des secteurs essentiels pour notre pays, au rayonnement du Tchad et de son image sur la scène internationale. Pour ce faire, l’investissement de chaque tchadien à tous les échelons est capital.

 

Notons toutefois que, face à ces déficiences, la première secrétaire de l’ambassade du Tchad en Suisse a tout fait pour réparer les dégâts grâce à son courage, sa finesse diplomatique et son contact humain. Elle a réussi à faire déplacer ses compatriotes pour l’accueil du président.

 

Sur le plan du 13èmeSommet de la Francophonie en soi, l’élément à évoquer, c’est l’absence de nos représentants lors des séances au cours desquelles le Tchad a été interpellé sur de nombreuses questions alors qu’ils étaient déjà en Suisse. Les autres Etats (Soudan, RCA…) ont pu répondre du fait que leurs représentants étaient présents.

 

Cela nous amène à remettre à sa place l’attitude de l’ambassadeur vis-à-vis des jeunes diplomates tchadiens et leur capacité à assumer des fonctions diplomatiques. Malgré que nos représentants n’étaient pas des jeunes, ils n’ont pu rien faire pour défendre le Tchad sur ces interpellations ; ils n’étaient même pas là. Monsieur l’ambassadeur, il ne faut pas s’inquiéter sur ceux qui vont venir après vous pour gérer la diplomatie tchadienne, mais il faut s’inquiéter sur l’héritage que vous allez leur léguer, dont les conséquences à réparer seront énormes si les choses restent telles qu’elles sont. Le manque de transparence, l’hypocrisie, la malhonnêteté, l’incompétence, la concentration des moyens de l’ambassade entre vos mains, le détournement des deniers publics, les mesquineries…ne sont pas des exemples quel que soit l’âge que l’on a. Il y avait avant vous de bons, très bons et de médiocres diplomates. Dans votre génération, il y a de bons, de très bons et de médiocres. Après vous, il y aura des bons, de très bons et des médiocres. Où vous situez-vous ?

 

Toutes ces catégories se rencontrent chez ceux qui ont la responsabilité de gérer les institutions républicaines, aussi bien dans votre génération que dans celle qui vous a précédé et probablement dans celle qui vous suit. L’essentiel, ce n’est pas de laisser les choses telles qu’elles sont mais d’en prendre conscience et de faire de notre mieux pour les améliorer.

 

Certes, face à la nouvelle configuration des acteurs évoluant sur une scène internationale en perpétuelle transformation  et eu égard à l’évolution rapide des moyens technologiques et au vieillissement du personnel dans la sphère diplomatique tchadienne, il est utile de mettre à niveau nos diplomates et de penser à leur renouvellement par une politique de formation et d’implication soutenue des jeunes cadres dans le fonctionnement de notre système diplomatique. Il s’agit là d’insuffler une nouvelle dynamique diplomatique pouvant aider à la mise en œuvre des priorités nationales.

 

Ce qui précède, de même que nos récentes analyses sur les rapports ambassade-diaspora, dénote d’une urgence impérative à réconcilier l’ambassade avec la communauté tchadienne résidant en Suisse. Il en va de même d’éviter tout amateurisme dans la gestion des affaires diplomatiques en général, et plus particulièrement dans l’organisation, le protocole et la représentation dans les différents Sommets engageant l’image et les intérêts du Tchad.

 

Avant de terminer, nous aimerions rendre un hommage à la communauté tchadienne présente à Montreux pour avoir su rester au-dessus des considérations financières autour des enveloppes attendues par certains de la part du président. C’est une attitude honorable, digne d’un engagement pour le Tchad plus que toute autre considération. A la suite d’Aimé Césaire dans le cahier d’un retour au pays natal, nous exhortons ainsi nos compatriotes à ne pas rester spectateurs des événements. Qu’ils s’engagent, chacun à son niveau et avec les moyens dont il dispose pourvu qu’au bout de son engagement il y ait le développement, la prospérité et la justice sociale dans la paix.

 

Tag(s) : #Politique
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