Il était une fois, un roi et son bouffon.
Le bouffon amusait tellement le roi qu'il crut qu'il lui était devenu indispensable. Quant au roi, il était tellement satisfait des services du bouffon qu'il clamait toujours qu'il ne pouvait plus se passer d'un bouffon.
Un jour, le roi humilia le bouffon sans y prêter vraiment une grande attention. Ce dernier s'en offusqua cependant, et déserta la cour pendant plusieurs jours, histoire de donner une leçon au roi.
Mais le roi n'envoya point le quérir. Il ne s'en aperçut même pas. Et le bouffon finit par retourner de lui-même à la cour.
Quelle ne fut sa surprise en trouvant le roi complètement aux anges, distrait par un autre bouffon. Entre deux éclats de rire, le roi qui venait de remarquer sa présence se retourna vers lui, et lui demanda s'il était bien l'ancien bouffon de la cour.
- Oui, Sire ! Mais, n'aviez-vous pas remarqué que j'étais très fâché l'autre jour où vous m'aviez humilié ?
- Nenni ! Réponds le roi. Je pensais plutôt que tu étais mort et remplacé par un autre bouffon. De toute façon, le nouveau me semble plus talentueux que toi et tes histoires étaient devenues trop monotones à mon goût. Et le bouffon qui croyait indispensable, de se demander comment désormais assurer sa survie.
Il était aussi une fois Spartacus qui se révolta contre la façon dont l'empereur romain traitait les gladiateurs. Mais la révolte de Spartacus fut noyée dans le sang, et l'empire forma d'autres gladiateurs, plutôt dociles et plus enclins à mourir pour le plaisir de l'empereur.
Djambalgato, serait-il en proie à une grève de bouffon, ou à une révolte de gladiateur ?
La question mérite d'être posée, parce que porteuse d'incertitudes et peut être de menaces de la paix civile, si tenté qu'on admette que la paix à Djambalgato ne rime plus qu'avec l'absence de guerre chaude.
En tout état de cause, qu'il s'agisse de grève de bouffon, ou de révolte de gladiateurs, l'humeur qui secoue Djambalgato, mérite bien réflexion.
D'abord, le bouffon de Djambalgato n'est pas seul, et sa disgrâce emporterait trop de destins façonnés ou remodelés, pour passer comme lettre à la poste.
Entretenu pour divertir le roi, le bouffon de Djambalgato a aussi créé sa cour et ses bouffons. S'il n'a pas d'armée ou de police pour exercer le pouvoir, l'image que renvoie son trône factice trouble le sommeil du roi et donne des cauchemar au prince héritier.
Peut être aussi n' a t-il fait que laisser se développer naturellement, une cour où se confondent bouffon-roi et roi-bouffon.
Mais les intérêts autour des subsides tirés de sa position ont favorisé l'émergence d'une communauté stable dont l'image fait peur, peut être moins pour le danger potentiel qu'il représenterait que par la monstrueuse réalité qu'elle reflète.
Ensuite, l'environnement national et international n'autorise plus l'opinion de la solution finale pour les Gladiateurs. Si tant est que Spartacus dont la devise connue à ce jour reste : “ Ave Caesar, morituri te salutant ”, dusse disparaître.
La moissonneuse est entrée en action et il n'y a point d'alternative. La grenouille accusée à tort ou à raison, de vouloir être aussi grosse que le boeuf, n'est peut être en réalité qu'un ballon innocent dans lequel souffle et souffle insouciant ou à dessein un gamin de cinquante six ans, jusqu'à l'éclatement.
C'est dire que la vague soulevée ne pourra donc, qu'être forcément, noyée dans la merde, ou étouffée à la maison d'arrêt de Djambalgato, la version de la cage aux lions au royaume de Deby.
Ces deux solutions, sans être très élégantes, semblent les mieux maîtrisés au royaume de Deby. A moins que ...
A moins que nous entrions sans trop l'apprécier dans le domaine sensible des hypothèses et conjectures, qu'une conjoncture politique, sociale et économique favorise en les rendant possibles.
La frustration du bouffon, ou les désabusions du gladiateur, peuvent elles intéresser le citoyen ? Les aspirations (potentiellement) égoïstes et crypto personnelles du bouffon et/ou du gladiateur sont elles de nature à créer des conditions de jonction avec les revendications citoyennes ?
La réponse n'est pas évidente. Elle tient à la fois de la capacité objective de maîtrise de paramètres complexes, mais aussi de considérations subjectives et même affectives, de gestion des faits et gestes d'un passé récent, lourd de symboles.
Elle pose forcément la question de leadership au sein d'une potentielle alliance jusqu'ici improbable, née d'une fracture au sein du pouvoir, et ayant entraîné le rejet d'éléments fragiles de sa périphérie dans le camp citoyen.
Le bouffon et/ou le gladiateur, sont donc, au banc de l'histoire. Mais ils sont aussi suspects, parce que leur situation au sein du camp citoyen n'est pas née d'une volonté de rupture d'avec le camp des oppresseurs, ni forcément de celle de l'affaiblir ou de l'abattre.
Les activités débordantes du cercle repu du bouffon et/ou des compagnons malheureux du gladiateur, ne suffisent donc pas à elles seules de garantir leur intégrité gage de leur intégration dans le camp citoyen.
Un passif trop lourd leur impose non seulement, l'obligation de décliner leurs objectifs, mais également celle de convaincre de leur bonne foi.